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Autorisation environnementale unique : une réforme en questions

Au terme d’une période de trois ans d’expérimentation dans plusieurs régions, la procédure d’autorisation environnementale unique constitue la dernière réforme d’envergure portée par le ministère de l’environnement dans le cadre du quinquennat qui s’achève. Présentée comme une nouvelle mesure de simplification à destination des entreprises, cette procédure soulève toutefois plusieurs interrogations et nécessitera l’adhésion et la mobilisation des services instructeurs pour atteindre ses objectifs.

 

Pourquoi cette nouvelle procédure d’autorisation environnementale unique ?

L’objectif du ministère de l’environnement est d’unifier, dans une procédure unique, les différentes démarches administratives susceptibles de devoir être menées pour un même projet. Cela en vue notamment de pouvoir réduire les délais d’instruction. A cet effet, diverses expérimentations ont été menées depuis 2014 dans plusieurs régions concernant des projets soumis à autorisation au titre de la réglementation ICPE, de la loi sur l’eau et/ou du Code de l’énergie.

Un rapport de décembre 2015, issu des travaux de plusieurs services ministériels[1], dresse un bilan mitigé de ces expérimentations. Le rapport souligne plusieurs points positifs : l’intégration des procédures, des délais d’instruction effectivement plus courts ou encore la possibilité de rejeter le dossier de façon anticipée, évitant des pertes de temps pour le pétitionnaire et l’administration. Cependant, plusieurs freins sont également soulevés, notamment une pression sur les délais qui “conduit les services à ne pas donner la priorité à certains dossiers qui le mériteraient”, des difficultés d’articulation entre certaines procédures, ainsi qu’une mauvaise articulation des différents services appelés à contribuer à l’instruction unique.

In fine, le rapport préconisait plusieurs pistes, afin de permettre la pérennisation et de garantir l’efficacité de ces procédures :

  • proposer aux porteurs de projets un échange préalable avec l’administration
  • mettre fin à l’obligation de déposer simultanément la demande de permis de construire (PC) et la demande d’autorisation d’exploiter
  • revoir les modalités de recours des tiers et des exploitants à l’encontre des arrêtés préfectoraux d’autorisation
  • donner un caractère optionnel à la consultation du comité départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques (CODERST)
  • accompagner les services de l’État dans ces réformes, en promouvant une organisation en mode “projet”

La plupart de ces recommandations ont été retenues dans le dispositif de l’autorisation environnementale unique adoptée par une ordonnance et deux décrets le 26 janvier 2017. Voici les grandes lignes de cette procédure d’autorisation environnementale unique.

 

Quels projets sont concernés dans la procédure d’autorisation environnementale unique ?

Deux types de projets principaux sont soumis à la nouvelle procédure :

  • les installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) relevant d’un régime d’autorisation au titre de la loi sur l’eau
  • les ICPE relevant du régime d’autorisation

 

Quelles autorisations sont regroupées avec l’autorisation environnementale unique ?

La nouvelle autorisation environnementale unique permet d’englober, le cas échéant, plusieurs autres procédures, et notamment :

  • autorisation spéciale au titre des réserves naturelles ou des sites classés
  • dérogations aux mesures de protection des espèces protégées
  • autorisation de défrichement
  • déclaration ou agrément pour l’utilisation d’OGM
  • agrément pour le traitement de déchets
  • autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité
  • autorisation d’émission de gaz à effet de serre (GES)

En revanche, l’autorisation environnementale unique ne tient pas lieu de permis de construire, les deux démarches demeurant parfaitement distinctes, sauf pour les parcs éoliens terrestres.

Cette procédure permet, par ailleurs, de clarifier l’articulation ICPE/IOTA, marquant la fin de l’automatisme “ICPE vaut IOTA”. Ainsi, dès lors qu’un projet comporte au moins une ICPE ou un IOTA soumis à autorisation, la procédure d’autorisation environnementale a vocation à englober les ICPE et/ou IOTA associés relevant des régimes inférieurs d’enregistrement ou de déclaration.

 

Quel contenu pour le dossier de demande ?

Par rapport au dossier de demande d’autorisation ICPE, les évolutions principales sont les suivantes :

  • la notice de conformité vis-à-vis de la réglementation hygiène-sécurité n’est plus exigée
  • une note de présentation non-technique du dossier est désormais requise
  • selon les cas, une étude d’impact ou une étude d’incidence environnementale peut être demandée au pétitionnaire

Pour les exploitants d’ICPE, l’apparition de cette étude d’incidence environnementale limite la portée de l’exemption d’étude d’impact introduite durant l’été 2016 pour les sites non classés Seveso ou IED[2].

 

A quoi correspond le certificat de projet ?

En amont du dépôt de la demande d’autorisation, le pétitionnaire a possibilité de demander au préfet la délivrance d’un “certificat de projet”.

Ce certificat permet de préciser les régimes et  procédures applicables au projet, et de spécifier les pièces requises pour chaque étape de l’instruction. Il peut également permettre de confirmer la nécessité ou non de fournir une étude d’impact et de proposer à l’exploitant un calendrier spécifique pour le projet, remplaçant les délais de droit commun. Son délai de délivrance prévu est de deux mois. L’exploitant dispose d’un délai d’un mois pour accepter le calendrier spécifique proposé par l’administration.

 

Quelles sont les étapes de la procédure ?

Instruction préalable autorisation environnementale unique Phase 1 : Instruction préalable

Le délai prévu pour la phase d’instruction préalable, permettant la consultation des services concernés par le projet, est de quatre mois. Dans les faits, il peut cependant être prorogé de quatre mois sur décision motivée du préfet et suspendu en cas de demande de compléments.

 

Enquête publique autorisation environnementale unique Phase 2 : Enquête publique

Le projet est ensuite mis à l’enquête, le délai prévu pour l’organisation et la tenue de l’enquête publique étant au minimum de trois mois.

 

Décision procédure autorisation Phase 3 : Décision procédure

Puis vient la phase de décision et de publicité. Le délai prévisible est de deux mois pour cette étape, en respectant la règle du “silence vaut rejet”, et rallongé d’un mois en cas de consultation du CODERST, consultation désormais laissée au choix du préfet. De plus, si une modification des documents d’urbanisme est en cours, ce délai sera également prorogé.

 

Quelle est l’articulation avec les procédures d’urbanisme?

Désormais, le permis de construire peut être déposé à tout moment de la procédure, mais il ne peut en revanche être exécuté qu’après la délivrance de l’autorisation environnementale. Concrètement, on peut démolir avant d’obtenir l’autorisation, mais on ne peut pas construire.

 

Quelles  sont les suites possibles après la délivrance de l’autorisation environnementale unique ?

Il est tout d’abord prévu la possibilité d’adapter les prescriptions préfectorales, à la demande du pétitionnaire ou de tiers. Dans les deux cas, le silence de l’administration vaut rejet après deux mois.

Les délais de caducité de l’autorisation en l’absence de mise en service ou d’interruption de l’activité sont harmonisés, et fixés à trois ans pour tous les régimes (autorisation, enregistrement et déclaration).

 

Quelles évolutions en matière de contentieux?

Il s’agit d’un recours de plein contentieux, le juge pouvant donc annuler ou valider l’acte mais aussi le modifier ou lui en substituer un nouveau. Le juge peut également n’annuler qu’une phase ou partie de l’autorisation et surseoir à statuer jusqu’à autorisation modificative. Il doit dire dans ce cas ce qu’il advient du reste de l’autorisation.

Le délai de recours du pétitionnaire est de deux mois à compter de la notification. Les tiers bénéficient quant à eux de quatre mois à compter de l’affichage en mairie ou sur le site internet de la préfecture (le délai de six mois préconisé pour les tiers dans le rapport de 2015 n’a donc pas été suivi).

 

Quels sont les délais d’entrée vigueur du dispositif ?

L’entrée en vigueur de la procédure d’autorisation environnementale est fixée au 1er mars 2017. Pour les projets déjà lancés à cette date, les anciennes procédures s’appliquent. Jusqu’au 30 juin 2017, les pétitionnaires gardent toutefois la possibilité de choisir l’ancienne procédure d’autorisation.

Les règles de contentieux  sont applicables dès le 1er mars 2017.

 

Quelles limites peut-on voir à ce dispositif ?

Plusieurs interrogations et freins persistent quant aux bénéfices attendus par ce dispositif.

  • Concernant l’organisation en mode “projet” des services administratifs locaux : la formation des équipes s’avère indispensable, le mode d’organisation retenu jusque là étant hiérarchique et non transverse entre les administrations
  • Sur le contenu du dossier de demande d’autorisation : il est possible de s’interroger sur la réelle simplification, les pièces demandées dans le dossier étant aussi nombreuses
  • Concernant le délai minimal d’instruction prévu (neuf mois), celui-ci est loin d’être garanti, étant donné les multiples prorogations possibles à toutes les étapes
  • La possibilité d’une “tierce expertise” introduite dans le dispositif final, est source d’inquiétude pour les pétitionnaires: cette demande peut en effet être faite par le préfet aux frais du pétitionnaire, lorsque le projet présente des « dangers ou inconvénients d’une importance particulière » et peut intervenir à tout moment au cours de l’instruction, mais également « postérieurement à la délivrance de l’autorisation »

Pour conclure, nous pouvons saluer la volonté de clarification et de sécurisation juridiques à l’origine de ce dispositif, mais restons prudents sur la réelle simplification pour les pétitionnaires.

Si certains freins, mis en lumière après l’expérimentation de l’autorisation environnementale unique, ont été pris en compte dans le dispositif adopté, plusieurs doutes persistent, notamment concernant le respect des délais prévisionnels.

[1] Rapport des CGAAER, CGEDD, CGE, CGEfi et IGA

[2] Site comportant une ou plusieurs rubriques ICPE classée(s) sous une rubrique 3000 de la nomenclature ICPE