HSE Réglementaire

Édito

Édito

À force d’être perçus uniquement comme « un mal nécessaire » par les entreprises qu’ils sont censés protéger, les préventeurs HSE eux-mêmes sont parfois convaincus qu’ils ne sont là que pour gérer les problèmes. C’est bien dommage car en raisonnant ainsi, les entreprises passent à côté de belles opportunités. En ne mettant pas la gestion des risques HSE au cœur de leurs objectifs stratégiques, elles perdent l’occasion de découvrir des opportunités d’amélioration, de créer de la robustesse, d’augmenter la motivation et l’efficacité de leurs collaborateurs… Bref, elles ne dégagent pas tous les bénéfices qu’elles pourraient en escompter.

D’une façon générale, il existe des raisons inconscientes pour expliquer le désamour des fonctions de gestion des risques HSE (Qualité, Risk-management…) : notre aversion naturelle au risque nous pousse généralement au déni et à l’oubli. Par exemple, qui monte dans une voiture en pensant qu’il vient soudainement d’augmenter ses probabilités de périr dans un accident violent ?

De plus, lorsque nous ne pouvons pas éviter le risque, comme notre pensée n’est pas toujours aussi rationnelle que nous le souhaiterions, nous nous rassurons comme nous pouvons… quitte à nous accommoder des 2 « subterfuges » ci-dessous  :

L’effet de talisman, où la simple possession d’un symbole (par exemple, le fait d’avoir nommé un préventeur) calme une angoisse et conduit à penser que le risque n’existe plus ;

L’effet d’association, qui nous pousse à confondre le message et le messager faisant du préventeur une représentation du danger qu’il est censé pourtant empêcher, provoquant alors une sorte de rejet instinctif.

 

Les deux effets ne sont pas aussi opposés qu’il n’y parait. Embauchez un préventeur, donnez-lui un bureau avec une faible capacité d’action et vous aurez à la fois un talisman rassurant dans vos bâtiments, donc une maitrise symbolique de vos craintes, sans avoir à vous y confronter dans vos réunions de comité de direction…

Enfin, il y a également une logique tout à fait rationnelle de limiter les fonctions de prévention dans les processus décisionnels des entreprises. Dans une économie basée essentiellement sur les flux d’échanges, le stock devient de plus en plus un frein à cette accélération, un obstacle qui doit donc être éliminé. Or qu’est-ce que la prévention, si ce n’est de la valeur stockée en vue d’être utilisée le jour de l’incident. Quelle est la valeur d’un extincteur (ou d’un masque sanitaire) dans un bilan comptable par temps calme ? Cet argent ne pourrait-il pas être mieux investi dans un flux plus rentable pour fructifier à son tour ? Il est donc tout à fait normal que la tendance naturelle des organisations soit d’écarter les fonctions créatrices de stocks à l’avantage des fonctions créatrices de flux.

Bref, jusqu’à ce qu’il y ait peu, les fonctions de prévention se sentaient mal-aimées et souvent il y avait des raisons objectives : elles étaient des rappels inconscients de notre fragilité intrinsèque et empêchaient, par la définition-même de leur fonction, les flux de tourner vite et rond.

Beaucoup de choses changent avec la crise du COVID-19. Tout comme le regard d’un dirigeant change sur la fonction le jour où il lui est signifié sa mise en cause juridique suite à un accident ou qu’il reçoit sa majoration de prime d’assurance après un incendie majeur, l’utilité des missions de prévention se révèle au grand jour : l’hypothèse d’une crise majeure s’est, hélas, réalisée non seulement dans l’entreprise, au niveau national, mais, pire encore, à l’international. Voilà qui fait une sacrée occurrence dans les cotations de risque et rares sont les gestionnaires de risques HSE qui devaient avoir osé un tel scénario.

Qu’ont fait concrètement les HSE depuis le début de la pandémie ?

Comme c’est l’une des rares fonctions totalement transversales tout en étant experte dans tous les processus de l’entreprise, grâce entre autres à l’établissement du Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER – Article R. 4121-1 du Code du Travail), l’expérience et le savoir-faire HSE ont été la base sur laquelle une réorganisation de l’entreprise a été possible.

Mobilisée en accéléré et en lien avec les retours quasi-quotidiens des situations de travail réelles, elle a intégré les innombrables expériences pour permettre aux entreprises de fonctionner. Par exemple

en réaménageant les ateliers et les bureaux,

en optimisant les flux du personnel depuis les horaires de travail jusqu’au fonctionnement des parkings,

en organisant le télétravail, en réalisant des vidéos d’accueil,

en favorisant la fabrication artisanale de masques,

en renforçant le réseau informatique,

en révisant les flux à risques (gestion des déchets, changements d’équipe, contacts avec la clientèle et les sous-traitants…),

en rédigeant de nouveaux protocoles pratiques et praticables,

en révisant le DUER pour intégrer l’impact des mesures sur les autres scénarios de risque… etc.

 

Mais surtout la fonction HSE par son rôle transversal a maintenu aussi bien que possible le lien social au quotidien entre les salariés, les représentants du personnel, l’encadrement et la direction. Grâce à des dialogues fructueux, des acteurs aussi peu informés que nous l’étions tous à ce moment-là ont réussi à s’organiser comme par miracle. Soudain les « stocks » d’énergie humaine et d’engagement de la fonction HSE révélaient leur utilité vitale.

 

Le renouveau de la gestion des risques HSE en entreprise

Le monde a donc changé : la fonction HSE est passé du statut ennuyeux d’identificateur de problèmes à celui, beaucoup plus enviable, de facilitateur de travail. C’est elle qui a rendu le travail possible dans la plupart des entreprises ces derniers mois. Son analyse, son expertise et son engagement sont devenus la bouée de secours d’organisations déboussolées.

Gardons cela bien en-tête ! Il faut que celles et ceux qui exercent les métiers de prévention et de gestion des risques HSE soient fiers de leur mission et de leur travail ! Il faut également que les dirigeantes et dirigeants considère objectivement ce rôle essentiel des responsables HSE.

Ne croyons pas que ce qui vient de se passer n’était qu’un cahot sur la route et que nous devions revenir à la prééminence absolue du flux sur le stock. D’abord parce que les conséquences économiques de la pandémie vont s’empiler avec les effets sanitaires déjà en cours.  Ensuite parce que cette pandémie pourrait bien être la porte d’entrée d’une nouvelle période plus tumultueuse : celle des effets du dérèglement climatique, de la disparition accélérée de la biodiversité, de la fin du pétrole abondant et de leurs conséquences potentielles en termes de contrôle et de privation de libertés…

Gérer ses risques de façon professionnelle est une nécessité vitale. Ceux qui anticipent et se préparent à ces enjeux pressants, n’en sont que renforcés. La fonction HSE s’est illustrée, depuis ce printemps 2020, comme l’une des clés du succès des entreprises. C’est le moment de lui donner les moyens techniques et la position nécessaire dans les organisations pour qu’elle puisse exprimer entièrement son potentiel et apporter toute la valeur ajoutée que les entreprises méritent.

 

 

Edito 2021 co-écrit par

 

  

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