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Bruit au travail : comment prévenir les risques ?

Bruit au travail : comment prévenir les risques ?

Selon le Ministère du travail, plus de trois millions de salariés seraient exposés sur leur lieu de travail à des niveaux sonores excessifs. Loin d’être anodine, l’exposition au bruit peut affecter durablement la santé des travailleurs. L’employeur doit prévenir ces risques par une évaluation des risques et la mise en place de mesures de prévention.

 

Bruit au travail : comment prévenir les risques ?
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Bruit au travail : quels enjeux ?

Qu’est-ce que le bruit ?

On qualifie généralement de « bruit » un ensemble de sons perçu comme gênant par l’oreille humaine. Cette notion reste assez subjective car un son peut être perçu différemment selon la personne qui l’entend. Mais lorsqu’un niveau sonore dépasse une certaine limite, tous les sons sont considérés comme gênants voire dangereux.

Le niveau de bruit est mesuré en décibels, classiquement à l’aide d’un sonomètre. Le décibel pondéré A, noté dB(A), permet de prendre en compte le niveau de bruit réellement perçu par l’oreille humaine. Lorsque les niveaux sonores sont très élevés, la perception du bruit par l’oreille est différente. Le décibel pondéré C, noté dB(C), est alors utilisé.

On considère que pour une journée de travail de 8 heures, l’exposition sonore peut s’avérer dangereuse à compter d’un niveau de 80 dB(A). En cas de niveau sonore dépassant ce seuil, l’exposition doit impérativement être de plus courte durée. Toute exposition, même de très courte durée, à un niveau sonore dépassant les 135 dB(A) est considérée comme dangereuse.

0 dB(A) Niveau sonore le plus faible perçu par l’oreille humaine
50 dB(A) Niveau sonore habituel d’une conversation humaine
80 dB(A) Seuil de nocivité pour une exposition de 8h/jour
120 dB(A) Niveau sonore provoquant une sensation douloureuse

Bon à savoir : les niveaux sonores mesurées en décibels ne s’ajoutent pas directement : si un engin de chantier produit 80 dB(A), deux engins de chantier ne produiront pas 160 dB(A) mais 83 dB(A).

 

Bruit : quels effets sur la santé ?

Les effets sur la santé de l’exposition au bruit sont multiples. Ils peuvent aller d’une simple fatigue auditive à une surdité irréversible causée par la destruction des cellules ciliées de l’oreille interne. Dans les cas les plus graves, un bruit soudain et particulièrement intense peut provoquer une déchirure du tympan et causer une surdité brutale totale ou partielle.

Notez-le : la surdité peut être reconnue comme une maladie professionnelle selon certains critères médicaux précisés au tableau n°42 des maladies professionnelles.

Au-delà de ces risques d’atteinte à l’audition, l’exposition au bruit provoque aussi d’autres effets sur l’organisme, notamment :

  • Des troubles cardiovasculaires: de nombreuses études ont mis en exergue le caractère plus fréquent des troubles cardiovasculaires, notamment l’hypertension, chez les travailleurs exposés au bruit ;
  • Des troubles du sommeil : une exposition prolongée au bruit pendant la journée de travail impacte négativement la qualité du sommeil, pouvant générer une fatigue chronique due à une mauvaise récupération ;
  • Du stress : dans la mesure où il réduit la capacité de concentration et provoque de la fatigue, le bruit peut être un facteur de stress en générant de l’insatisfaction, de l’irritabilité voire de l’anxiété chez le travailleur exposé. Le risque d’accidents du travail est également augmenté.

 

Bruit au travail : quelles sont les obligations de l’employeur ?

La prévention des risques liés au bruit est strictement réglementée par le Code du travail. Les règles s’articulent autour de quatre axes principaux : agir sur l’environnement de travail, évaluer les risques, mettre en place des mesures de prévention et suivre l’état de santé des travailleurs exposés.

 

Prévenir les risques d’exposition au bruit dès la conception des lieux de travail

Prévenir les risques liés au bruit implique d’agir en amont c’est-à-dire dès la conception du lieu de travail mais aussi au moment du choix des équipements de travail.

Il s’agit d’une part de réduire le bruit à la source en privilégiant des machines silencieuses ou d’un niveau sonore limité. Il est aussi important de veiller à insonoriser dès leur conception les locaux destinés à accueillir des équipements de travail bruyants afin de réduire la réverbération mais également de limiter que le bruit se propage vers les autres locaux de travail.

 

Evaluer, et mesurer si nécessaire, l’exposition au bruit des travailleurs

Le bruit est un facteur de risques professionnels et doit donc être pris en compte lors de l’évaluation des risques professionnels. Cela suppose préalablement :

  • D’identifier les différentes sources de bruit dans l’établissement en fonction de leur nature : machines, outils, équipements de travail annexes (ventilation, climatisation, etc.), engins mobiles, maniement d’outils bruyants à la main, etc.
  •  D’identifier tous les travailleurs susceptibles d’être exposés, en veillant à prendre en compte également le personnel travaillant de façon non-permanente dans les lieux de travail bruyants (agents d’entretien, etc.).

L’évaluation des risques doit ensuite permettre de d’identifier les postes de travail les plus exposés et les sources de bruit en cause. Ses résultats doivent être transcrits dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER).

Pour réaliser l’évaluation des risques, l’employeur a le choix entre deux méthodes :

  • Une estimation sommaire du risque basée sur les données bibliographiques existantes par secteur d’activité ou métier et sur un test de communication dans le bruit. Si le travailleur doit hausser la voix pour se faire comprendre d’une personne située à moins d’un mètre, le niveau sonore ambiant doit être considéré comme élevé et donc à risque ;
  • Une évaluation simplifiée dans le cas où l’exposition quotidienne au bruit peut être décomposée en plusieurs phases distinctes de travail ou lorsque le travail comporte une action générant un bruit intense mais épisodique.

Dès lors que l’évaluation des risques met en évidence un risque pour la santé et la sécurité des travailleurs, le Code du travail oblige l’employeur à effectuer des mesurages pour vérifier que les valeurs limites réglementaires d’exposition au bruit ne sont pas dépassées et si des actions de prévention sont ou non nécessaires.

Valeurs d’exposition

Niveau d’exposition

Valeurs limites d’exposition (VLE) Niveau d’exposition quotidienne au bruit de 87 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 140 dB (C) (après atténuation assurée par des protections auditives)
Valeurs d’exposition supérieures déclenchant l’action de prévention (VAS) Niveau d’exposition quotidienne au bruit de 85 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 137 dB (C)
Valeurs d’exposition inférieures déclenchant l’action de prévention (VAI) Niveau d’exposition quotidienne au bruit de 80 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 135 dB (C)

Source : Article R. 4431-2 du Code du travail

Le mesurage doit permettre de quantifier précisément les niveaux de bruit. Ses conditions sont fixées par un arrêté du 11 décembre 2015 qui précise qu’en cas de niveaux de bruit élevés, les mesurages doivent être réalisés conformément à la norme NF EN ISO 9612.

Notez-le : l’évaluation des risques et le mesurage doivent être effectués par des personnes compétentes, avec le concours des services de santé au travail. Le mesurage doit être renouvelé au moins tous les 5 ans.

 

Mettre en place des mesures de prévention

Une fois les résultats des mesurages obtenus, ils doivent être comparés aux seuils réglementaires pour déterminer les mesures de prévention. En fonction de la nature des seuils dépassés, des actions de prévention spécifiques doivent être mises en place, à savoir :

Niveau d’exposition

Mesures de prévention

Dépassement des valeurs d’exposition inférieures (VAI)  ·  Mise à disposition de PICB (Protecteurs Individuels Contre le Bruit)

·   Information et formation des travailleurs sur les risques et les résultats de l’évaluation

·  Proposition aux travailleurs d’un examen audiométrique préventif

Dépassement des valeurs d’exposition supérieures (VAS)  ·  Mise en œuvre d’un programme de mesures de réduction d’exposition au bruit

·  Signalisation des zones bruyantes et limitation de leur accès

·  Contrôle de l’ouïe des travailleurs et port obligatoire des PICB

Dépassement des valeurs limites d’exposition (VLE) ·  Adoption immédiate de mesures de réduction d’exposition au bruit

 

Les mesures de protection collective doivent être mises en place en priorité. Elles peuvent se fonder notamment sur le choix de procédés de travail moins bruyants, l’installation de moyens techniques pour réduire le bruit ou encore une meilleure organisation du travail pour réduire l’exposition au bruit (périodes de repos, limitation de la durée d’exposition, etc.).

Il est important de vérifier régulièrement l’efficacité des mesures mises en place. En effet, un changement dans l’organisation du travail ou encore dans le choix des équipements peut nécessiter de les adapter pour garantir la sécurité des travailleurs.

 

Suivre médicalement les salariés exposés

Bien que le bruit ne fasse plus partie des facteurs de risques professionnels imposant un suivi individuel renforcé, l’employeur peut, s’il le juge nécessaire, décider de le mettre en place pour les travailleurs pour lesquels il l’estime nécessaire (article R. 4624-23 III du Code du travail).

Les travailleurs exposés au bruit bénéficient donc en principe d’un suivi médical classique comprenant une visite d’information et de prévention (VIP) réalisée par un professionnel de santé dans les trois mois à compter de la prise de poste. Cette visite doit être renouvelée selon une périodicité ne pouvant dépasser 5 ans.

Le Code du travail prévoit par ailleurs que les travailleurs exposés à un niveau de bruit dépassant les VAI doivent pouvoir bénéficier d’un examen audiométrique préventif visant à diagnostiquer précocement toute perte auditive et à préserver la fonction auditive.

Enfin, l’employeur doit établir une déclaration annuelle dématérialisée pour chaque salarié exposé au bruit au-delà des seuils réglementaires suivants :

  • Exposition d’au moins 600 h/an à un niveau d’au moins 81 dB rapporté à une période de référence de 8 h ;
  • Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 dB pour une durée minimale de 120 fois par an.

Cette déclaration permet aux salariés concernés d’alimenter leur compte professionnel de prévention au titre de la pénibilité.

 

Sources réglementaires

Code du travail, articles R. 4431-1 à R. 4437-4 relatif à la prévention des risques d’exposition au bruit

Arrêté du 11 décembre 2015 relatif au mode de calcul des paramètres physiques indicateurs du risque d’exposition au bruit et aux conditions de mesurage des niveaux de bruit en milieu de travail.

 

Article rédigé par Clara GODIN