Depuis le 1er juin 2015, la nomenclature ICPE comprend 80 nouvelles rubriques numérotées de 4000 à 4802 destinées au classement des sites d’exploitation en fonction des quantités de produits et déchets dangereux susceptibles d’être présents. Dans la nomenclature ICPE, les rubriques 4000 viennent notamment remplacer 61 rubriques de la série des 1000 désormais supprimées.
Cette refonte majeure de la nomenclature nécessite, pour chaque exploitant, de procéder à un inventaire exhaustif des matières dangereuses employées et stockées sur son site, afin de déterminer son nouveau classement ICPE et revalider son éventuel statut Seveso.
Nomenclature ICPE, les rubriques 4000 présentées
Publiées dès le mois de mars 2014 [1] afin d’informer le plus en amont possible les exploitants des changements à venir, dans la nomenclature ICPE les rubriques 4000 visent à répondre à un double objectif :
- Harmoniser la nomenclature ICPE avec la nouvelle classification des substances et mélanges dangereux définie par le règlement CLP [2]
- Transposer les nouveaux seuils de classement des sites Seveso introduits par la directive Seveso 3 [3], eux-mêmes fondés sur la classification CLP des produits.
C’est donc en toute logique que l’entrée en vigueur des rubriques 4000 intervient le 1er juin 2015, date à partir de laquelle l’application du règlement CLP devient également obligatoire pour la classification et l’étiquetage des mélanges dangereux.
La structure des rubriques 4000 présente au sein de la nomenclature ICPE est la suivante :
Rubriques définition et règle de cumul :
- 4000 : Définition et classification des substances et mélanges dangereux,
- 4001 Établissement Seveso par cumul
Rubriques de classement en fonction de propriétés dangereuses génériques
- 41xx Toxiques,
- 42xx Explosibles,
- 43xx Inflammables (gaz, aérosols, liquides),
- 44xx Substances auto-réactives, Peroxydes organiques, Solides et liquides pyrophoriques, Solides, liquides et gaz comburants,
- 45xx Dangereux pour l’environnement,
- 46xx Autres dangers Seveso (Réaction avec l’eau).
Rubriques de classement pour des substances nommément désignées
- 47xx Substances nommément désignées,
- 4801 Houille, coke, lignite, charbon de bois, goudron…,
- 4802 Gaz à effet de serre fluorés ou substances appauvrissant la couche d’ozone
Les rubriques 4000 ne dérogent pas aux principes de classement de la nomenclature ICPE et fixent chacune des seuils soumettant aux régimes de Déclaration, d’Enregistrement et/ou d’Autorisation en fonction des quantités de produits dangereux. De manière plus innovante, les quantités seuils soumettant un établissement au statut Seveso Haut ou Seveso Bas sont désormais inscrites en-dessous de chaque rubrique 4000 concernée. La mention « AS » qui correspondait au statut Seveso Haut dans les anciennes rubriques 1000 disparaît. Jusqu’alors listés séparément dans un arrêté ministériel, les seuils Seveso Bas figurent donc désormais également dans la nomenclature ICPE, ce qui facilite leur prise en compte.
QUELLES SONT LES RUBRIQUES 1000 ENCORE EN VIGUEUR ?
Au 1er juin 2015, seules 19 rubriques de la série des 1000 demeurent en vigueur. Il s’agit de rubriques visant :
- des matières dangereuses non visées au titre du règlement CLP et de la directive Seveso (Ex.: Rubriques 15xx concernant les solides combustibles, Rubriques 17xx relatives aux substances radioactives),
- des activités particulières mettant en œuvre des produits dangereux (Ex.: Rubrique 1435 relative aux stations-service, Rubrique 1511 concernant les entrepôts frigorifiques)
Parmi les 19 rubriques 1000, 2 sont nouvelles et entrent en vigueur au 1er juin 2015 :
- Rubrique 1421 : Installations de remplissage d’aérosols inflammables
- Rubrique 1436 : Stockage ou emploi de liquides combustibles de point éclair * compris entre 60°C et 93°C* Point éclair = Température à laquelle un produit émet suffisamment de vapeurs pour s’enflammer.
Quelles différences entre les rubriques 4000 et les rubriques 1000 supprimées ?
1) Le champ d’application des rubriques 1000 supprimées reposait sur l’ancienne classification des produits chimiques dangereux, celui des rubriques 4000 correspond aux propriétés de dangers déterminées par le règlement CLP
Il existe plusieurs différences notables entre l’ancien et le nouveau système de classification des produits chimiques. A titre d’exemple :
- Plusieurs produits précédemment classés nocifs par inhalation ou par ingestion peuvent présenter une toxicité aigüe de catégorie 3 au titre du règlement CLP. Ils sont alors à prendre en compte sous les rubriques 4130 ou 4140, alors qu’ils demeuraient exclus des anciennes rubriques 11xx relatives aux produits toxiques.
- Les aérosols inflammables constituent désormais une classe de danger à part entière dans le règlement CLP. En conséquence, leur stockage ou emploi est désormais classé au titre de rubriques dédiées (4320 et 4321) en fonction de la quantité totale du contenant. Auparavant, il fallait comptabiliser séparément sous différentes rubriques 1000 les quantités de gaz et de liquides inflammables entrant dans la composition des aérosols.
- Un liquide doit être considéré comme liquide inflammable et comptabilisé sous les rubriques 4330 ou 4331, uniquement si son point éclair demeure inférieur à 60 °C. Au titre des anciennes rubriques 1430, 1432 et 1433, la notion de liquides inflammables englobait des liquides dont le point éclair pouvait aller jusqu’à 100 °C, voire au-delà s’il s’agissait de fiouls lourds. Par ailleurs, le classement sous les rubriques 4330 ou 4331 est déterminé en fonction de la quantité réelle de liquides inflammables, et non plus en fonction de la « capacité totale équivalente » calculée à partir de coefficients de pondération suivant les caractéristiques d’inflammabilité des liquides considérés.
2) Le classement sous les rubriques 4000 repose sur la « quantité susceptible d’être présente dans l’installation » sans distinction des activités de fabrication, emploi ou stockage
Cette quantité est à évaluer en cumulant les matières premières, les en-cours de fabrication (réacteurs, mélangeurs etc.), les produits finis et les déchets (désormais expressément inclus), quel que soit les formes d’emploi et de stockage.
N.B : Une installation classée sous une rubrique 4000 au titre de l’emploi/stockage de produits dangereux peut également être classée en tant qu’activité sous une rubrique 1000, 2000 ou 3000 de la nomenclature ICPE.
3) Certaines propriétés de dangers ou familles de produits précédemment visées dans le cadre de rubriques 1000 supprimées ne sont pas reprises dans les rubriques 4000
Tel est le cas notamment des matières corrosives jusqu’alors classées au titre des rubriques 16xx ou des liquides organohalogénés relevant de la rubrique 1175. En conséquence, les produits concernés sortent du champ d’application de la nomenclature ICPE, sauf s’ils présentent des propriétés de danger supplémentaires prises en compte par des rubriques 4000. A titre d’exemple :
- l’acide chlorhydrique auparavant visé par la rubrique 1611 est à classer sous la rubrique 4130 en tant que produit toxique par inhalation (H331)
- le perchloréthylène auparavant visé par la rubrique 1175 est à classer sous la rubrique 4511 en tant que produit dangereux pour l’environnement de catégorie chronique 2
4) De nouvelles substances nommément désignées font l’objet de rubriques 4000 spécifiques
Les rubriques 4709, 4713, 4722, 4734, 4736 à 4749 regroupent ces nouvelles substances nommément désignées (Ex.: Produits pétroliers spécifiques, mélanges d’hypochlorite de sodium, Méthanol…), qui font donc désormais l’objet de seuils de classement particuliers nécessitant une évaluation dissociée des quantités stockées/employées.
Au final, si l’on excepte quelques rares cas de rubriques 4000 équivalant à des rubriques 1000 supprimées (Ex. : Rubrique 1185 remplacée par la rubrique 4802), tous ces changements rendent inévitable la réalisation d’un nouveau bilan de leur classement ICPE par les exploitants, en vue notamment de pouvoir faire valoir d’éventuels droits d’antériorité.
COMMENT BÉNÉFICIER D’UN DROIT D’ANTÉRIORITÉ SUITE A L’ENTRÉE EN VIGUEUR DES RUBRIQUES 4000 ?
En vertu de la règle du bénéfice des droits acquis [4], les établissements soumis à un changement de régime ICPE suite à une modification de la nomenclature, peuvent continuer à exploiter les installations existantes concernées sans avoir à accomplir les démarches administratives correspondantes (Déclaration, Enregistrement ou Autorisation), à condition d’informer le préfet de la situation dans le délai d’un an.
Ce droit d’antériorité s’applique dorénavant également en cas de changement de régime ICPE résultant d’une évolution de la classification de dangerosité de produits employés ou stockés sur site. Dans ce cas, le délai d’un an court à compter de l’entrée en vigueur du changement de classification des produits, et non à compter de la date de publication du décret modifiant la nomenclature. Les changements de régime ICPE pouvant découler de l’application des rubriques 4000 étant liés l’entrée en vigueur de la nouvelle classification CLP des produits au 1er juin 2015, les exploitants ont donc jusqu’au 1er juin 2016 pour faire connaître leur nouveau classement ICPE au préfet et faire valoir leurs droits d’antériorité.
Méthodologie de classement
Pour établir son nouveau classement ICPE au titre des rubriques 4000, un exploitant doit procéder en 3 étapes :
1. Établir l’inventaire des substances et mélanges dangereux employés/stockés sur site, en indiquant les quantités maximales susceptibles d’être présentes et les propriétés de danger au titre du règlement CLP
Pour pouvoir connaître et renseigner les propriétés de danger des substances et mélanges dangereux recensés (classes, catégories et mentions de danger H), il est nécessaire de se référer à la rubrique n° 2 des fiches de données de sécurité (FDS) :
L’une des principales difficultés pour les exploitants est de pouvoir disposer rapidement de fiches FDS mises à jour intégrant les données de classification CLP pour les mélanges. De fait, pour ces derniers, les fournisseurs n’ont l’obligation d’établir des fiches FDS sur la base du CLP que depuis le 1er juin 2015.
Une autre possibilité est de se référer à la liste des classifications harmonisées de substances figurant à l’annexe VI du règlement CLP [5]. Cette liste contient plus de 4000 substances, dont les règles de classification et d’étiquetage sont imposées aux fournisseurs à l’échelle européenne, y compris pour les mélanges en contenant. La très grande majorité des substances disponibles sur le marché n’y figurent toutefois pas.
Le recensement et la classification des déchets dangereux à prendre en compte dans le cadre des rubriques 4000 peut également soulever des difficultés, en l’absence de fiche FDS et de données de caractérisation précises. Ces déchets possèdent toutefois des propriétés similaires aux matières premières, produits intermédiaires ou produits finis et leurs catégories et mentions de dangers au titre du règlement CLP doivent pouvoir être identifiées, en vue de déterminer les rubriques 4000 dont ils relèvent.
2. Identifier les rubriques 4000 correspondant aux substances et mélanges dangereux considérés
L’exploitant doit commencer par déterminer si, parmi les produits dangereux recensés, figurent des substances ou des mélanges nommément désignés dans les rubriques 47xx ou 48xx. Pour les produits non nommément désignés dans une rubrique 47xx ou 48xx, l’exploitant doit ensuite recherche les rubriques 4100 à 4699 dont ils peuvent relever, en fonction des leurs propriétés de dangers génériques (toxiques, inflammables, comburants…). Pour ce faire, un guide de l’INERIS [6] propose des tableaux très utiles établissant les correspondances entre les mentions de danger H attribués aux produits dangereux et les rubriques 4000.
N.B : Une substance ou un mélange non nommément désigné dans une rubrique 47xx ou 48xx et présentant plusieurs mentions de dangers associées à plusieurs rubriques 4100 à 4699, doit être classé prioritairement dans la rubrique présentant par ordre de priorité :
- le seuil Seveso haut le plus bas
- en cas de seuils Seveso haut égaux, le seuil Seveso bas le plus bas
- en cas de seuils Seveso bas égaux, le seuil d’Autorisation le plus bas
- en cas de seuils d’Autorisation égaux, le seuil d’Enregistrement le plus bas
- en cas de seuils d’Enregistrement égaux, le seuil de Déclaration le plus bas.
3. Le régime de classement ICPE sous chaque rubrique 4000
Une fois la rubrique de classement définie pour chaque substance et mélange dangereux, le régime ICPE applicable peut être déterminé par comparaison entre les quantités présentes sur site et les seuils de la rubrique 4000 concernée.
A partir du régime de classement déterminé sous chaque rubrique, l’exploitant peut enfin identifier les arrêtés ministériels de prescriptions qui lui sont applicables. Près d’une cinquantaine d’arrêtés sont d’ores et déjà applicables aux installations déclarées, enregistrées ou autorisées sous des rubriques 4000. Il s’agit d’arrêtés visant auparavant des installations classées sous des rubriques 1000 supprimées, dont le champ d’application a été modifié par un arrêté du 11 mai 2015, afin d’intégrer les références aux nouvelles rubriques 4000 correspondantes.
Détermination du statut Seveso
Au-delà du régime ICPE des installations, l’entrée en vigueur de cette nomenclature ICPE et plus précisément des rubriques 4000 peut aussi impacter le statut Seveso de certains établissements. De fait, le nouveau découpage des rubriques et les changements de classification des produits déjà décrits plus haut, influent également sur les conditions d’appréciation des seuils Seveso Haut (SH) et Seveso Bas (SB) figurant à la fin de chaque rubrique 4000.
Ainsi, d’après une première estimation réalisée par le ministère de l’Écologie, 15% des établissements devraient sortir du régime Seveso, tandis que 15% devraient y entrer [7]. Pour autant, les critères de détermination du statut Seveso d’un établissement obéissent toujours aux mêmes principes :
- Un site est classé SH si :- Pour au moins une des rubriques 4000, les produits dangereux considérés sont susceptibles d’être présents en quantité supérieure ou égale à la quantité seuil haut mentionnée dans la rubrique- OU les quantités cumulées de produits dangereux répondent à la règle de cumul SH
- Un site est classé SB s’il n’est pas classé SH ET si :- Pour au moins une des rubriques 4000, les produits dangereux considérés sont susceptibles d’être présents en quantité supérieure ou égale à la quantité seuil bas mentionnée dans la rubrique- OU bien les quantités cumulées de produits dangereux répondent à la règle de cumul SB.
COMMENT DÉTERMINER LE STATUT SEVESO SELON LA RÈGLE DE CUMUL ?
La règle de cumul définie à l’article R. 511-11 du Code l’environnement permet de classer un établissement Seveso SH ou SB à partir des quantités cumulées de produits présentant des dangers pour la santé, des dangers physiques et/ou des dangers pour l’environnement, même si les seuils Seveso fixés, rubrique par rubrique, ne sont pas atteints. En pratique, cette règle reste toutefois particulièrement complexe à appréhender et à appliquer. Aussi, afin d’aider les exploitants, le ministère de l’Écologie propose un outil de simulation permettant de calculer le statut Seveso d’un établissement à partir de la saisie des quantités de produits dangereux présents dans l’établissement. Des supports de formation incluant plusieurs exemples d’application de la règle de cumul sont également mis à disposition.
N.B : La rubrique 4001 de la nomenclature ICPE soumet à Autorisation tout établissement répondant à la règle de cumul Seveso SH ou SB. Il s’agit de basculer dans le régime d’Autorisation des sites classés Seveso, qui ne comporteraient pas, par ailleurs, d’ICPE soumises à ce régime.
Incidences pour les établissements devenant Seveso
Les établissements Seveso sont soumis à des règles de sécurité particulières destinées à prévenir les risques d’accidents majeurs qu’ils sont susceptibles d’occasionner, du fait des quantités importantes de produits dangereux mises en œuvre. Légèrement remaniées à compter du 1er juin 2015 en application de la directive Seveso 3, les procédures et exigences imposées aux exploitants concernés dépendent du statut de l’établissement. Elles sont rappelées dans ce tableau de synthèse :
SEVESO SH |
SEVESO SB |
PÉRIODICITÉ DE RÉEXAMEN |
||
Recensement des substances dangereuses |
Oui |
Oui |
4 ans |
|
Politique de Prévention des Accidents Majeurs (PPAM) soumise avis du CHSCT |
Oui |
Oui |
5 ans |
|
Étude de dangers |
Oui |
Oui |
SH : 5 ans |
|
Systèmes de gestion de la sécurité (SGS) |
Oui |
Non |
Pas de périodicité imposée |
|
Plan d’opération interne (POI) |
Oui |
Si imposé par arrêté préfectoral |
3 ans |
|
Plan particulier d’intervention (PPI) |
Oui |
Non |
3 ans |
Ainsi, un établissement devenant Seveso au 1er juin 2015 en application des rubriques 4000 de la nomenclature ICPE devra :
- établir un premier recensement en ligne des substances et mélanges dangereux présents pour le 31 décembre 2015
- avoir élaboré sa PPAM pour le 1er juin 2016
- s’il devient Seveso SH, réaliser son SGS et son POI pour le 1er juin 2017.
Conclusion
Cette nouvelle refonte de la nomenclature ICPE aux multiples incidences administratives et réglementaires illustre, s’il en était encore besoin, l’importance pour les entreprises de disposer en permanence d’un inventaire à jour de leurs installations classées en lien avec les rubriques en vigueur. Dans le prolongement de nos prestations de veille et d’évaluation de la conformité, la fonctionnalité de suivi des ICPE mise à disposition dans certains logiciels de conformité réglementaire vise précisément à faciliter cette démarche.
[1] Décret n° 2014-285 du 3 mars 2014, publié au Journal Officiel le 5 mars 2014
[2] Règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges
[3] Directive n° 2012/18/UE du 4 juillet 2012 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses
[4] Article L. 513-1 & R. 513-1 à 2 du Code de l’environnement
[5] http://echa.europa.eu/fr/information-on-chemicals/cl-inventory-database
[6] Guide INERIS « Application de la classification des substances et mélanges dangereux à la nomenclature des ICPE », Juin 2014 (http://www.ineris.fr/centredoc/guide-technique—juin-2014-1404813170.pdf)
[7] D’après les chiffres du Ministère de l’Ecologie, la France comptait au 31 décembre 2013, 1 205 établissements Seveso, dont 657 ‘Seuil Haut’