Le travail de nuit représente une nécessité pour de nombreuses entreprises. Néanmoins, il implique une multitude de risques professionnels pour les travailleurs. Nous allons voir dans cet article quels sont les risques mis en cause et comment les prévenir.
Quels sont les risques professionnels liés au travail de nuit ?
Quel est l’impact du travail de nuit sur la santé des travailleurs ?
Le travail de nuit est un facteur de risque pour les travailleurs. En effet, le corps humain répond à un rythme dit circadien qui régit l’activité physiologique en fonction de l’horloge biologique. Le corps humain est ainsi fait pour fonctionner correctement en suivant un rythme normal d’activité le jour et de repos la nuit.
🔎 Focus : Ce rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) fait état des effets et risques du travail de nuit pour les travailleurs en prenant en compte les données scientifiques actuelles.
Parmi les risques, on peut citer notamment les troubles métaboliques qui se traduisent par l’augmentation de la tension artérielle, de la glycémie ou du cholestérol. D’autres impacts probables sur la santé sont mentionnés parmi lesquels on retrouve par exemple le diabète de type 2 ou les maladies coronariennes.
Le travail de nuit peut également être associé aux facteurs de risques psychiques et psychosociaux. En effet, le manque de sommeil, le décalage par rapport au rythme “normal” de la société ou encore l’isolement de certains postes de nuit peuvent grandement influencer l’état moral du travailleur.
Quel est l’impact du travail de nuit sur la sécurité au travail ?
Au-delà de l’impact néfaste sur l’état de santé des travailleurs, les troubles du sommeil peuvent être à l’origine d’accidents du travail lorsque le déficit de sommeil chronique provoque chez le travailleur une baisse d’attention, des somnolences ou encore une fatigue physique profonde.
Exemple : un transporteur routier sujet à une fatigue chronique en raison d’un rythme de travail inadapté a plus de risque d’être victime d’un accident.
Ainsi, la baisse de vigilance décuple les autres facteurs de risques auxquels sont déjà exposés les travailleurs. La prévention des risques liés au travail de nuit est donc cruciale pour éviter la survenue d’un accident du travail et pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
Quelles sont les obligations réglementaires en matière de travail de nuit ?
Quelle est la définition réglementaire du travail de nuit ?
Le Code du travail considère tout travail effectué pendant une période d’au moins 9 heures consécutives et comprenant l’intervalle entre minuit et 5h du matin comme du travail de nuit (Article L3122-2 C.trav). Cette période de travail doit commencer au plus tôt à 21 heures et s’achever au plus tard à 7h du matin.
Pour être considéré par la loi comme travailleur de nuit, le salarié doit (Article L3122-5 C.trav) :
● soit accomplir trois heures de travail de nuit quotidiennes au moins deux fois par semaine ; ● soit effectuer 270h de travail de nuit sur une période de 12 mois consécutifs. |
Cette qualification permet au travailleur d’obtenir des “points de pénibilité”, grâce au compte professionnel de prévention. En effet, le travail de nuit fait partie des facteurs de risques professionnels au titre de la pénibilité (Article D4161-1 C.trav). Depuis le 1er septembre 2023 et les évolutions relatives au compte professionnel de prévention, le seuil fixé pour obtenir des points de pénibilité est de 100 nuits par an contre 120 auparavant (chacune comprenant au moins 1h de travail entre minuit et 5h) (Article D4163-2 C.trav).
🔎 Focus : Une réglementation particulière pour le travail de nuit s’applique pour certains établissements ou domaines d’activité tels que la vente au détail dans des zones touristiques, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, le spectacle vivant, la discothèque, etc. (Article L3122-3 C.trav et Article L3122-4 C.trav).
Quelle est la réglementation pour le recours au travail de nuit ?
Réglementation générale
Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel et se justifie par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale dispensés par l’entreprise (Article L3122-1 C.trav).
Par conséquent et afin de limiter son usage, la réglementation fixe des limites pour le recours au travail de nuit :
● D’une part, un travailleur de nuit ne doit pas effectuer plus de huit heures de travail au quotidien (Article L3122-6 C.trav) ; ● D’autre part, la durée hebdomadaire du travail de nuit ne doit pas excéder 40h. Ce calcul est effectué sur une période de douze semaines consécutives (Article L3122-7 C.trav). |
Dans un souci d’équité, la loi prévoit des contreparties pour le travail effectué lors des horaires de nuit. Cette contrepartie peut se faire sous la forme de repos compensateur ou de compensation salariale (Article L3122-8 C.trav).
Enfin, le travail de nuit faisant partie des facteurs de risques professionnels au titre de la pénibilité, l’employeur doit déclarer chaque année les travailleurs qui y sont exposés (Article D4163-3 C.trav).
Cas particuliers
Dans un souci de sécurité, la loi restreint la possibilité de recourir au travail de nuit pour certains salariés.
Ainsi, les femmes enceintes ont le droit de demander à changer leur poste de nuit contre un poste de jour pour la durée de leur grossesse et de leur congé postnatal. Ce changement de poste ne doit pas conduire à une diminution de salaire (Article L1225-9 C.trav). Si le changement de poste est impossible, le contrat de travail de la salariée est alors suspendu et elle bénéficie d’une indemnité (Article L1225-10 C.trav).
Le travail de nuit est également interdit pour les jeunes travailleurs, sauf sur autorisation de l’inspection du travail dans certains domaines d’activité (spectacles, établissements commerciaux) (Article L3163-2 C. Trav).
Comment sont définies les règles du travail de nuit au sein de l’entreprise ?
Le recours fréquent au travail de nuit nécessite une justification et une négociation interne à l’entreprise. La réglementation du travail de nuit doit alors être précisée par un accord d’entreprise, une convention collective ou accord collectif de branche.
Ces accords doivent mentionner (Article L3122-15 C.trav) :
- les justifications du recours au travail de nuit ;
- la définition de la période de travail de nuit, dans le respect des articles 3122-2 et L. 3122-3 ;
- la contrepartie compensatoire au travail de nuit ;
- les mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;
- les mesures destinées à faciliter la cohérence entre la vie professionnelle et personnelle des travailleurs de nuit ;
- les mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
- l’organisation des temps de pause.
De tels accords peuvent également modifier, dans une certaine mesure, la réglementation du travail de nuit et notamment concernant :
- le nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit (Article L3122-16 C.trav) ;
- la durée maximale quotidienne de travail prévue à l’article L. 3122-6 (Article L3122-17 C.trav) ;
- la durée maximale hebdomadaire de travail de nuit à condition que cette durée n’excède pas 44h sur 12 semaines consécutives (Article L3122-18 C.trav).
Notez que le comité social et économique (CSE) ainsi que le médecin du travail doivent être consultés sur la mise en place ou la modification de l’organisation du travail de nuit (Article L3122-10 C.trav et Article L2312-17 C.trav).
📃 Pour plus d’informations concernant le champ de la négociation collective et les dispositions supplétives, nous vous invitons à consulter la partie du Code du travail dédiée. |
Quelles sont les actions à mettre en place pour prévenir les risques liés au travail de nuit ?
Comment adapter l’organisation d’une entreprise au travail de nuit ?
Le respect de la réglementation assure déjà une prévention minimale et offre ainsi une certaine sécurité aux travailleurs. Cependant pour garantir au mieux la santé physique et mentale des travailleurs de nuit, l’employeur peut mettre en place d’autres actions spécifiques notamment en termes d’organisation du travail.
Les actions de prévention des risques liés au travail de nuit s’inscrivent dans l’analyse des risques professionnels et concernent principalement les facteurs organisationnels liés aux horaires de travail et à l’organisation du temps de travail.
Voici quelques exemples de mesures susceptibles de diminuer l’impact négatif du travail de nuit sur les travailleurs :
- fournir un éclairage suffisant ;
- agir efficacement sur l’organisation du travail et la rotation des équipes ;
- organiser un temps de récupération suffisant pour les travailleurs ;
- favoriser le travail collectif et en groupe sur l’isolement des salariés ;
- favoriser le volontariat pour le travail de nuit ;
- éviter la monotonie du poste de travail ;
- prendre en considération l’âge, le genre et la condition physique des travailleurs ;
- permettre au travailleur d’articuler leur vie professionnelle et leur vie personnelle ;
- limiter le stress ;
- …
Quel est le rôle du médecin du travail dans la prévention des risques liés au travail de nuit ?
Le médecin du travail joue un rôle particulièrement important dans la prévention et l’organisation du travail de nuit.
En effet, après l’embauche, les travailleurs concernés bénéficient d’une visite chez le médecin du travail durant laquelle ils sont informés des risques du travail de nuit sur leur santé (Article R3122-14 C.trav). Une attestation est délivrée aux travailleurs si leur état de santé est compatible avec un poste de nuit.
À la suite de cette première visite, le médecin du travail fixe la périodicité du suivi médical (Article L3122-11 C.trav) qui ne peut être supérieure à 3 ans.
Ce suivi permet au médecin du travail de transférer temporairement ou définitivement un travailleur sur un poste de jour si son état de santé le justifie (Article L3122-14 C.trav).
Le médecin du travail est également chargé d’analyser les conséquences du travail de nuit sur les travailleurs, les conditions de travail et le contenu des postes. Ces analyses lui permettent de conseiller l’employeur sur le recours au travail de nuit (Article R3122-13 C.trav).
Conclusion
Le travail de nuit est un facteur de risque professionnel et doit à ce titre être exceptionnel ou dûment justifié. Le respect de la réglementation permet déjà une prévention efficace mais il est recommandé à l’employeur de mettre en place des actions supplémentaires afin de garantir un niveau de prévention maximal.
Article rédigé par Clara Godin