A l’occasion de la reconnaissance des travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail comme procédé cancérogène dans le code du travail, il est pertinent de rappeler les règles de l’employeur face aux agents CMR.
Ce sont des agents chimiques qui ont, à moyen ou long terme, des effets cancérogènes, mutagènes (altération de la structure ou/et du nombre de chromosome) ou toxiques pour la reproduction (reprotoxiques). Ceux-ci peuvent pénétrer dans l’organisme par les voies respiratoires, la bouche ou la peau. Ces propriétés expliquent la nécessité, pour les employeurs, de ne plus exposer les travailleurs à ces agents CMR.
Différentes études montrent l’utilisation fréquente de ces agents dans le monde professionnel. Il est estimé qu’environ 10% de la population active est exposé à au moins un agent CMR dans le cadre professionnel, et ce, dans de nombreux secteurs d’activités : bâtiment et travaux publics, métallurgie, industrie chimique, pharmaceutique, industrie pétrolière, industrie du bois, agriculture, laboratoires de recherche et même dans le secteur des services (notamment pour le nettoyage).
Qu’est-ce qu’un agent CMR ?
Au sens large, le règlement (CE) 1272/2008 modifié, dit règlement CLP, relatif à la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et des mélanges, définit 3 catégories pour les effets CMR : 1A (effets avérés), 1B (effets présumés), 2 (effets suspectés).
En revanche, le code du travail reconnait comme agents chimiques CMR soumis à des règles particulières de prévention :
- les substances ou mélanges classés CMR de catégorie 1A ou 1B (les agents chimiques de catégorie 2 sont considérés comme des agents chimiques dangereux non CMR). Ces agents CMR portent une étiquette avec la mention d’avertissement « Danger », une mention de danger spécifique (H 350, H 340 ou H 360) et le pictogramme « Danger pour la santé » ;
- les substances ou mélanges ou procédés définis comme cancérogènes par l’arrêté du 26 octobre 2020 à savoir :
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- la fabrication d’auramine ;
- les travaux exposant aux hydrocarbures polycycliques aromatiques présents dans la suie, le goudron, la poix, la fumée ou les poussières de la houille ;
- les travaux exposant aux poussières, fumées ou brouillards produits lors du grillage et de l’électroraffinage des mattes de nickel ;
- les procédés à l’acide fort dans la fabrication d’alcool isopropylique ;
- les travaux exposant aux poussières de bois inhalables ;
- les travaux exposant au formaldéhyde ;
- les travaux exposant à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail.
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L’importance de la substitution des agents CMR
La démarche de prévention impose dans un premier temps à tout employeur d’identifier les agents CMR présents sur son site.
Pour les agents chimiques concernés, l’employeur doit obligatoirement leur rechercher des substituants afin de les remplacer, dans la mesure où cela est techniquement possible, par une substance, une préparation ou un procédé qui, dans ses conditions d’emploi, n’est pas ou est moins dangereux pour la santé ou la sécurité des travailleurs.
S’il s’avère que la substitution est impossible, l’employeur doit évaluer les risques relatifs à l’exposition des travailleurs à ces agents. Dans ce cadre, l’INRS a mis à disposition l’outil Seirich pour permettre cette évaluation des risques chimiques.
Il convient ensuite aux employeurs de prendre des mesures pour éviter les expositions ou les réduire au plus bas niveau possible et toujours en dessous des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP). Ces mesures comprennent notamment :
- la mise en place du travail en système clos ;
- la mise en place des mesures de protection collective techniques (captage à la source, encoffrement, ventilation du local, …) et de mesures organisationnelles (réduction du nombre de travailleurs exposés …) ;
- la mise en place de mesures d’hygiène et de mesures d’urgence ;
- en dernier recours, le port d’équipements de protection individuelle.
Ces mesures sont complétées par l’obligation de l’employeur de former/informer ses travailleurs sur les risques et les précautions à prendre, les mesures d’hygiène et d’urgence, le port de protection individuelle.
Contrôle de l’exposition des travailleurs
Dans le cas d’une exposition des travailleurs à des agents CMR, l’employeur doit respecter certaines exigences réglementaires et notamment le contrôle annuel de l’exposition des travailleurs.
Ce contrôle doit être réalisé par un organisme accrédité afin de vérifier le respect des VLEP.
Des VLEP paraissent régulièrement dans le droit français (notamment lors de transposition de textes européens). Un processus de veille adapté permet de suivre la parution de celles-ci et de s’assurer que l’exposition des travailleurs concernés ne dépassent pas ces valeurs.
Les agents CMR et le suivi de l’état de santé des travailleurs
Les travailleurs exposés à des agents CMR sont soumis à un suivi individuel renforcé comprenant :
- un examen médical d’aptitude à l’embauche réalisé par le médecin du travail ;
- une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé, au plus tard deux ans après la visite avec le médecin du travail ;
- un examen médical effectué par le médecin du travail, selon une périodicité qu’il détermine par mais qui ne peut être supérieure à quatre ans.
Les examens médicaux donnent lieu à la délivrance par le médecin du travail d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude.
Enfin, pour certaines catégories de personnel, l’emploi des agents CMR est très réglementé voir même proscrit. Il s’agit :
- des travailleurs de moins de 18 ans pour lesquels les travaux impliquant la préparation, l’emploi, la manipulation ou l’exposition aux agents chimiques CMR leur sont interdits. Des dérogations peuvent être accordées (sous conditions) ;
- des femmes enceintes ou allaitantes pour lesquelles les travaux impliquant la préparation, l’emploi, la manipulation ou l’exposition à certains agents chimiques CMR leur sont interdits (exemple des agents reprotoxiques de catégorie 1A et 1B, du benzène, …) ;
- des travailleurs sous CDD et des travailleurs temporaires pour lesquels les travaux les exposent à certains agents chimiques CMR sauf si ces travaux sont exécutés en système clos (exemple de la fabrication d’auramine, chlorure de vinyle, …) leur sont interdits. Des dérogations peuvent être accordées (sous conditions).
Article rédigé par Geoffrey Ponthier