Visant à adapter le travail à l’homme, l’ergonomie est une notion essentielle en matière de prévention des risques en entreprise. Elle permet de préserver la sécurité et la santé des salariés mais aussi d’augmenter la productivité de l’entreprise. On vous en dit plus dans cet article.
Pourquoi mettre en place une démarche ergonomique en entreprise ?
Qu’est-ce qu’une démarche ergonomique et quand la mettre en place ?
L’ergonomie est une discipline scientifique qui vise à étudier les interactions entre les hommes et les autres éléments d’un système. En entreprise, la mise en place d’une démarche ergonomique vise à adapter le travail à l’homme afin de préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
Bien qu’elle ne fasse pas l’objet d’une section dédiée dans le Code du travail, l’ergonomie est une notion qui imprègne l’ensemble de la réglementation en santé-sécurité au travail. Elle s’inscrit dans le respect des principes généraux de prévention édictés à l’article L4121 C. trav. L. 4121-2, qui obligent notamment l’employeur à “adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production (…)”.
L’ergonomie doit imprégner l’ensemble de la politique de l’entreprise en matière de prévention des risques. Son rôle est donc préventif mais aussi correctif. En effet, une entreprise qui observe une baisse de productivité, une multiplication des accidents du travail, des plaintes récurrentes de la part de ses salariés sur leurs conditions de travail ou encore un absentéisme croissant, peut décider de faire appel à un ergonome afin de comprendre l’origine des différents problèmes constatés et y remédier.
La mise en place d’une démarche ergonomique nécessite parfois un investissement important de la part de l’entreprise mais ses effets sur le long terme assurent une évolution positive de la société dans son rapport au travail. Elle permet également une augmentation de la qualité et de la productivité de l’entreprise grâce à une plus grande facilité dans l’exécution des différentes tâches par les travailleurs.
Quelles sont les différentes approches en matière d’ergonomie ?
Comment se faire accompagner dans la mise en place d’une démarche ergonomique ?
L’ergonomie est une discipline à part entière qui nécessite des compétences spécifiques, notamment scientifiques mais aussi techniques et juridiques. C’est pourquoi de nombreuses entreprises choisissent de faire appel à des prestataires spécialisés pour la mise en place d’une démarche ergonomique.
Les ergonomes professionnels possèdent chacun leur méthode de travail pour répondre au besoin spécifique d’une entreprise. Grâce à leur expertise, ils sont en mesure d’analyser les situations à risque afin d’y apporter des solutions concrètes.
L’ergonome agit généralement sur trois facteurs d’ergonomie :
- l’ergonomie organisationnelle ou environnementale, qui concerne notamment l’organisation des espaces de travail, l’ambiance environnementale, les relations et la communication entre le personnel, le planning de travail, etc. ;
- l’ergonomie physique, qui concerne notamment la posture des travailleurs, le maniement des outils et équipements de travail, etc. ;
- l’ergonomie cognitive, qui agit notamment sur le processus mental, la perception, la mémoire, le raisonnement nécessaire à l’exécution d’une tâche, etc.
En fonction des besoins de l’entreprise, l’ergonome peut procéder à une ergonomie de conception ou bien à une ergonomie de correction.
L’ergonomie de conception
L’ergonomie de conception intervient avant la mise en place d’une situation de travail. Elle s’applique à l’organisation même d’une situation de travail, la conception du matériel et des machines ainsi qu’à la conception des espaces de travail.
Ce type d’intervention ergonomique offre une réflexion en amont qui permet d’assurer une ergonomie de travail optimale en tenant compte des caractéristiques humaines, matérielles et environnementales.
L’ergonomie de correction
L’ergonomie de correction intervient sur une situation de travail existante qui nécessite des modifications. Elle s’applique notamment aux situations de travail dont la conception est inadaptée.
Bien qu’il s’agisse de la plus courante, l’intervention ergonomique de correction est généralement moins efficace que l’ergonomie de conception car elle se trouve limitée par les contraintes déjà existantes. Elle peut néanmoins engendrer des bénéfices importants en termes d’amélioration des conditions de travail.
Quelles sont les différentes étapes d’une démarche ergonomique ?
L’analyse de la situation de travail
L’analyse de la demande de l’entreprise
Lorsqu’une démarche ergonomique est engagée, l’ergonome procède d’abord à un examen précis de la demande de l’entreprise qui fait appel à ses services. Selon les cas, l’entreprise peut faire appel à un ergonome pour un besoin précis ou pour améliorer plus généralement la santé et la sécurité dans son entreprise.
S’il s’agit d’un besoin précis tel que, par exemple, des arrêts de travail récurrents liés à des troubles musculosquelettiques (TMS) dans un service de l’entreprise, l’ergonome sera déjà orienté dans son travail et donc à même de pouvoir cibler les causes du problème afin d’y remédier spécifiquement.
En revanche, s’il s’agit d’une amélioration générale des conditions de travail, l’ergonome abordera la demande de l’entreprise d’un angle plus large afin de définir lui-même les différents points à améliorer dans l’entreprise, que ce soit au niveau de l’entreprise dans son ensemble ou seulement sur un poste de travail précis.
La demande peut également intervenir dans le cas d’une création d’entreprise ou d’une création d’une nouvelle branche d’entreprise. Dans ce cas précis, l’ergonome procèdera à la mise en place d’une ergonomie de conception en coopération avec le comité de pilotage (COPIL) de l’entreprise.
Positionner la situation de travail
Une fois que la ou les situation(s) de travail à améliorer sont définie(s), l’ergonome devra établir précisément ce qui compose la situation de travail donnée. Il posera alors à l’entreprise une série de questions visant à définir :
- le profil des travailleurs (âge, sexe, qualification, ancienneté, expérience, formation, etc.) ;
- le but dans lequel ils opèrent leurs actions (production, contrôle, service, accompagnement, etc.) ;
- l’ambiance environnementale dans laquelle la situation se déroule (bruit, luminosité, etc.) ;
- le matériel avec lequel le travail est exécuté (machine vibrante, etc.) ;
- le mode opératoire de l’action (répétition d’un même geste, quantité nécessaire de production par jour et/ou par mois, nombre d’étapes de production, etc.) ;
- le moment où se déroule la situation de travail (horaires, rythme de travail, etc.) ;
- les personnes avec qui le travail est effectué (seul, en équipe, sous le contrôle de la hiérarchie, etc.).
L’exploitation des documents
L’étape d’analyse de la situation de travail en vue de la mise en place d’une démarche ergonomique passe également par l’étude de documents de l’entreprise qui doivent permettre à l’ergonome de disposer d’informations utiles sur sa structure globale mais aussi les différentes activités exercées et les risques associés.
Ces documents devront tout d’abord permettre à l’ergonome de disposer d’informations générales sur :
- le chiffre d’affaires de l’entreprise ;
- la taille de l’entreprise ;
- le secteur d’activité dans lequel l’entreprise évolue ;
Ensuite et en fonction des problématiques rencontrées, il pourra également être utile à l’ergonome d’avoir accès (liste non-exhaustive) :
- aux documents relatifs à l’absentéisme et aux accidents de travail et maladies professionnelles (AT/MP) ;
- au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (article L4121-3-1 C. trav.) ;
- au registre des alertes en matière de santé publique et d’environnement ;
- au registre des dangers graves et imminents ;
- au registre de sécurité de l’entreprise ;
- aux documents spécifiques au poste de travail (fiche de poste, fiches de données de sécurité, etc.).
Dans le but de vérifier la conformité des équipements de travail, l’ergonome pourra également demander à consulter les documents relatifs aux différents équipements utilisés (attestations de conformité aux normes NF, notices d’utilisation, etc.).
Entretien individuel avec les acteurs concernés
Une fois les informations documentaires récoltées, l’ergonome entamera généralement une série d’entretiens avec les travailleurs concernés afin d’obtenir leur ressenti propre sur la situation de travail qui doit être améliorée.
Observation de la situation de travail
Enfin, pour terminer son analyse, l’ergonome procède généralement à l’observation directe de la situation de travail en conditions réelles. Cette étape lui permet de relever tous les détails des conditions de travail et il en résulte un rapport précis sur les facteurs de risques liés à l’activité.
Cette observation peut être effectuée en prenant des notes, par vidéo ou encore à l’aide d’instruments de mesures en fonction des situations et des risques auxquels sont exposés les travailleurs. L’ergonome applique alors une grille de lecture spécifique qui comprend en général trois facteurs principaux :
- l’analyse des éléments environnementaux : ambiance sonore, ambiance lumineuse, qualité de l’air, température ambiante, etc. ;
- l’analyse des conditions physiques : gestes répétitifs, angle des coudes, sollicitations excessives, etc. ;
- l’analyse des sollicitations cognitives : quantité trop importante d’informations, temps de réflexion insuffisant pour l’exécution du travail, etc.
Si les travailleurs sont exposés à des facteurs multiples, ce cumul de risques sera également pris en compte dans les données d’analyse.
Les données récoltées durant l’observation sont ensuite examinées, étudiées puis synthétisées. Une fois l’analyse de la situation finalisée, l’ergonome peut poser un pré-diagnostic de la situation en vue de l’élaboration d’un plan d’action.
La définition du plan d’action
Le plan d’action à mettre en place est largement variable selon les situations données. Il est en effet difficile de généraliser dans ce domaine, les facteurs définissant une situation de travail étant particulièrement nombreux.
Toutefois, dans la continuité de l’analyse de la situation de travail et pour commencer l’élaboration du plan d’action à mettre en place, il est nécessaire à l’ergonome de déduire les effets et les risques du travail réel sur le travailleur, l’entreprise et/ou son environnement.
Ainsi, en fonction des données récupérées, de ses connaissances des caractéristiques humaines (travail musculaire, posture, sollicitation corporelle), de son analyse de la situation et de la prise en compte des facteurs de risques professionnels (article L4161-1 C. trav.), l’ergonome va élaborer un plan d’action à mettre en place pour adapter les conditions de travail au travailleur.
Voici quelques exemples d’actions qui peuvent être définies dans le cadre du plan d’actions :
- remplacement du matériel existant par du matériel plus ergonomique (matériel de bureau, équipements de travail, etc.) ;
- suppression des trajets inutiles ;
- création d’une plus grande proximité ou de la distance entre les travailleurs ;
- réaménagement d’un espace (suppression ou création d’une cloison, agrandissement d’une allée, etc.)
- isolation sonore d’une machine ;
Une fois le plan d’action défini, l’ergonome fait une première proposition à l’entreprise qui décide alors des solutions à mettre en place en fonction de ses possibilités techniques mais aussi de ses moyens financiers. Cette étape est réalisée en collaboration entre l’ergonome, l’entreprise mais aussi la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) du comité social et économique.
Enfin, un planning est établi afin de définir les échéances des différentes actions et les personnes chargées de leur mise en place.
Références réglementaires
Code du travail, articles L4121-1 à L4121-5 (principes généraux de prévention), L4161-1 (facteurs de risques professionnels)
Article rédigé par Clara GODIN