HSE Réglementaire
Réglementation HSE

Comment prévenir le risque d’addictions en milieu professionnel ?

La consommation de substances psychoactives est une préoccupation sociétale et pose un réel problème de sécurité au travail lorsque ces comportements addictifs ont lieux dans l’entreprise. Dans cet article, on fait le point sur les obligations réglementaires et les moyens d’action de l’employeur pour prévenir les risques liés aux addictions en milieu professionnel.

 

Addictions au travail
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Qu’est-ce que l’addiction en milieu professionnel ?

L’addiction est caractérisée par une dépendance à une substance psychoactive et favorise un usage répété de celle-ci et une difficulté à contrôler sa consommation. Lorsque cette addiction pousse un travailleur à consommer une substance psychoactive pendant son travail, on parle d’addiction en milieu professionnel.

Les substances psychoactives les plus couramment consommées en France sont l’alcool, le tabac et le cannabis.

Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), en 2023, 7 % des adultes français consomment de l’alcool quotidiennement soit cinq millions d’individus et neuf millions en consomment régulièrement. La consommation quotidienne de tabac concerne 13 millions de Français et près d’un million consomment du cannabis quotidiennement.

La consommation de substances psychoactives peut être favorisée par de nombreux facteurs tels que :

  • les facteurs personnels (famille, éducation, traumatisme, etc.) ;
  • un environnement stressant ;
  • les fréquentations et occupations ;
  • l’activité professionnelle.

En effet, un rapport publié par la Dares en 2024 a mis en avant une plus grande consommation de tabac, de cannabis, de gras et de sucre pour les travailleurs qui exercent un travail physiquement épuisant. Ce rapport constate également un risque d’addiction plus grand pour les travailleurs en horaires atypiques (horaires de nuit par exemple).

En outre, selon le Baromètre santé 2010 de Santé Publique France, 36,2 % des fumeurs de tabac, 9,3 % des consommateurs d’alcool et 13,2 % des consommateurs de cannabis déclarent que leur situation professionnelle et les problèmes liés au travail ont participé à augmenter leur consommation.

 

Quels sont les risques liés aux comportements addictifs au travail ?

L’alcool et le tabac constituent les deux premiers facteurs de risque de cancer et sont la première cause de mortalité prématurée en France.

En effet, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), “la consommation d’alcool contribue de façon directe ou indirecte à 11 % des décès masculins et à 4 % des décès féminins en France”. Ces chiffres représentent environ 41 000 décès chaque année.

Par ailleurs, selon la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), la consommation de tabac est responsable de plus de 8 cancers du poumon sur 10.

Au-delà des dangers pour la santé, la consommation de substances psychoactives en milieu professionnel pose des risques évidents d’accident du travail et de comportements inappropriés en milieu professionnel.

En effet, cette consommation provoque une baisse de vigilance qui peut facilement mener à des accidents du travail et particulièrement dans les métiers à risques. Cette incapacité à accomplir son travail correctement représente un grave danger pour le travailleur ainsi que pour son entourage professionnel et les éventuels usagers publics.

addictions

 

Addictions au travail : que dit la réglementation ?

Afin de protéger la santé et la sécurité des travailleurs, l’employeur doit prévenir les risques liés à la consommation de substances psychoactives dans l’entreprise (Article L4121-1 C.Trav.).

Cependant, il incombe également à chaque travailleur de respecter les règles de l’entreprise et de prendre soin de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes au travail (Article L4122-1 C.Trav.). Ainsi, la consommation de substances psychoactives relève également de la responsabilité des travailleurs.

La réglementation encadre strictement la consommation de substances psychoactives au travail et l’employeur doit mettre en place des mesures pour s’assurer qu’elle soit respectée.

 

Alcool au travail

Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail (Article R4228-20 C.Trav.).

L’employeur doit mettre en place des mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident lié à la consommation d’alcool. Il peut par exemple interdire ou limiter cette consommation par le règlement intérieur de l’entreprise ou par lettre de service.

Il est par ailleurs interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d’ivresse (Article R4228-21 C.Trav.).

Ainsi, lorsque l’employeur constate un travailleur en état d’ivresse dans l’entreprise, il doit l’isoler puis le faire raccompagner chez lui (par un proche ou une ambulance) afin d’éviter tout accident.

Par la suite, l’employeur est en mesure d’appliquer des sanctions disciplinaires pour ce type de comportement qui représente un risque pour l’entreprise et les autres travailleurs.

Exemple : Dans ce cas de jurisprudence, un travailleur affecté à l’utilisation d’outils « râpants » et de machines a été constaté en état d’ébriété par la réalisation d’un éthylotest. L’employeur a licencié le salarié pour faute grave car au regard de son poste de travail, son état présentait des risques pour lui et les autres travailleurs (Cass, civile, soc, 8 juin 2011, 10-30.162, second moyen).

 

Tabac en entreprise

Il est interdit de fumer et de vapoter dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail (Article R3512-2 CSP et Article L3513-6 CSP.).

Pour faire respecter l’interdiction de fumer sur les lieux de travail, l’employeur doit afficher de façon apparente l’interdiction de fumer et de vapoter (Article R3512-7 CSP. et Article L3513-6 CSP.).

 

Cannabis au travail

La consommation de cannabis en France et au travail est punie d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende (Article L3421-1 CSP).

🔍 Focus : La consommation de cannabis pendant l’exercice des fonctions notamment d’un dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou par le personnel d’une entreprise de transport routier est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

 

Comment mettre en place une démarche de prévention des risques d’addiction en entreprise ?

Pour mettre en place une démarche de prévention des risques liés à l’addiction au travail, l’employeur doit respecter plusieurs étapes :

  • évaluer les risques liés aux addictions en milieu professionnel;
  • mobiliser les acteurs de l’entreprise tel que le comité social et économique (CSE), le médecin du travail ou les services de prévention et de santé au travail ;
  • définir les règles de consommation d’alcool dans l’entreprise ;
  • définir les actions en cas de problème d’addiction dans l’entreprise;
  • définir les postes de travail pour lesquels le dépistage est autorisé.

🔧Outil : Plusieurs organismes (DGT, INRS, MILDT, etc.) ont défini la construction d’une démarche de prévention des risques liés aux addictions au travail dans la publication « Repères pour une politique de prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel ».

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Évaluation des risques d’addiction

Pour évaluer le risque d’addiction dans l’entreprise, l’employeur doit :

  • identifier les postes et situations qui exposent particulièrement les travailleurs à la consommation d’alcool (commerciaux, barman, pots de départ, repas d’affaire, postes à risque psychosociaux (RPS), etc.) ;
  • identifier les facteurs de risques professionnels dans l’entreprise tel que le stress, les RPS, les travaux épuisants physiquement ou encore les horaires atypiques;
  • identifier les postes dangereux pour lesquels la consommation de substances psychoactives représente encore davantage de risques (utilisation de machines, transport routier, déplacements professionnels, etc.) ;
  • rassembler l’ensemble des données et documents de l’entreprise tels que le taux d’absentéisme, les antécédents d’addiction dans l’entreprise, l’avis du médecin du travail et du CSE, les données des services de prévention et de santé au travail, etc.

Une fois terminée, l’évaluation du risque d’addiction doit être transcrite dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (Article L4121-3-1 C.trav.).

 

Suivi et actions médicales

Le médecin du travail est chargé d’un rôle préventif qui consiste notamment à surveiller les risques d’atteinte à la sécurité créés par l’état de santé des travailleurs (Article L4622-3 C.Trav.).

À ce titre, l’employeur est en mesure de demander une visite auprès du médecin du travail pour un travailleur qui montre des comportements addictifs dans l’entreprise (Article R4624-34 C.Trav.). Lors de cette visite, le médecin peut notamment réaliser un dépistage de substance psychoactive (Article R4624-35 C.Trav.).

⚠️ Attention : Le refus d’un travailleur de se soumettre à une visite médicale est un motif de sanction disciplinaire.

Par ailleurs, les services de prévention et de santé au travail contribuent aux actions de santé au travail et conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants pour prévenir la consommation d’alcool et de drogue sur le lieu de travail (Article L4622-2 C.Trav.).

 

Règlement intérieur et prévention des risques d’addiction (éthylotest et test salivaire)

Le règlement intérieur est un outil pour fixer les règles disciplinaires à respecter au sein de l’entreprise et les instructions en matière de santé et sécurité au travail (Article L1321-1 C.Trav.).

Il permet notamment de rappeler l’interdiction de consommer certains produits stupéfiants et également d’encadrer la consommation d’alcool dans l’entreprise en limitant cette dernière ou en l’interdisant totalement (Article R4228-20 C.trav.).

Par ailleurs, afin de prévenir la consommation de substances psychoactives, l’employeur peut utiliser des éthylotests ou des tests salivaires pour contrôler les travailleurs affectés à des postes de sûreté et de sécurité (avis n° 114 du Comité consultatif national d’éthique du 19 mai 2011).

Cependant, les conditions de réalisation de ces tests médicaux doivent être impérativement précisées dans le règlement intérieur de l’entreprise et doivent être « proportionnées au but recherché » sans porter atteinte aux libertés fondamentales des salariés.

Ainsi, les postes pour lesquels ces tests peuvent être réalisés doivent être inscrits dans le règlement intérieur ainsi que la fréquence de ces tests (systématique ou inopiné) et les personnes amenées à les réaliser. Ces personnes sont par ailleurs tenues au secret professionnel quant aux résultats des tests.

⚠️ Attention : Ces tests médicaux ne doivent pas être réalisés de façon abusive. Si les conditions légales ne sont pas réunies, la réalisation de ces tests n’est pas licite (CE, 5 décembre 2016, n° 394178 et Cass, civ, soc, 4 novembre 2015, 14-18.573).

 

En bref :

❖   La consommation de substances psychoactives en entreprise diminue la vigilance des travailleurs et augmente considérablement le risque d’accident du travail ;

❖   La consommation de substances psychoactives en entreprise est réglementée par le Code du travail ainsi que par le Code de la santé publique ;

❖   L’employeur peut réaliser des éthylotests et des tests salivaires sous certaines conditions.

 

Article rédigé par Clara Godin