Nous vous proposons de faire le point sur l’évolution du dispositif pénibilité.
Seuils de pénibilité et les fiches de prévention du dispositif pénibilité
Dans l’évolution du dispositif pénibilité, concernant les seuils de pénibilité et les fiches de prévention des expositions, les articles D. 4161-1 à 4 du Code du travail définissent :
- 1. Les facteurs de risques professionnels et seuils d’exposition associés au-delà desquels une fiche de prévention des expositions doit être établie pour chaque travailleur concerné
- 2. Les critères d’évaluation de l’exposition aux facteurs de pénibilité
- 3. Les modalités d’élaboration, mise à jour et diffusion des fiches de prévention des expositions
Facteurs et seuils de pénibilité
Les 10 facteurs de pénibilité déjà appliqués depuis 2012 demeurent inchangés dans l’évolution du dispositif pénibilité.
La principale nouveauté par rapport au précédent dispositif pénibilité applicable depuis février 2012, ces facteurs sont désormais associés à des seuils fixés réglementairement reposant sur une intensité ET une durée minimales. Jusqu’alors, les seuils permettant d’identifier les postes et situations de travail impliquant une exposition aux facteurs de pénibilité étaient laissés à l’appréciation de chaque employeur.
Au titre des contraintes physiques marquées :
Facteurs de risques professionnels | Seuils | ||
Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale | |
a) Manutentions manuelles de charges définies à l’article R. 4541-2 | Lever ou porter | Charge unitaire de 15 kilogrammes | 600 heures par an |
Pousser ou tirer | Charge unitaire de 250 kilogrammes | 600 heures par an | |
Déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au-dessus des épaules | Charge unitaire de 10 kilogrammes | 600 heures par an | |
Cumul de manutentions de charges | 7,5 tonnes cumulées par jour | 120 jours par an | |
b) Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations | Maintien des bras en l’air à une hauteur située au dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés | 900 heures par an | |
c) Vibrations mécaniques mentionnées à l’article R. 4441-1 | Vibrations transmises aux mains et aux bras | Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 2,5 m/ s2 | 450 heures par an |
Vibrations transmises à l’ensemble du corps | Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 0,5 m/ s2 | 450 heures par an |
Au titre de l’environnement physique agressif :
Facteurs de risques professionnels | Seuils | ||
Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale | |
a) Agents chimiques dangereux (ACD) mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées | Exposition à un agent chimique dangereux relevant d’une ou plusieurs classes ou catégories de danger définies à l’annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 et figurant dans un arrêté du ministre chargé du travail | Le seuil est déterminé, pour chacun des agents chimiques dangereux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou de contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté du ministre chargé du travail et du ministre chargé de la santé | |
b) Activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R. 4461-1 | Interventions ou travaux | 1 200 hectopascals | 60 interventions ou travaux par an |
c) Températures extrêmes | Température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius | 900 heures par an | |
d) Bruit mentionné à l’article R. 4431-1 | Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 80 décibels (A) | 600 heures par an | |
Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels (C) | 120 fois par an |
Au titre de certains rythmes de travail :
Facteurs de risques professionnels | Seuils | ||
Action ou situation | Intensité minimale | Durée minimale | |
a) Travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 | Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures | 120 nuits par an | |
b) Travail en équipes successives alternantes | Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures | 50 nuits par an | |
c) Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini | Temps de cycle inférieur ou égal à 1 minute | 900 heures par an | |
30 actions techniques ou plus par minute avec un temps de cycle supérieur à 1 minute |
Concernant l’exposition aux ACD, le seuil est déterminé par application d’une grille d’évaluation définie par arrêté ministériel (dont on attend la parution au moment de la rédaction de cet article) et prenant en compte :
- le type de pénétration
- la classe d’émission ou de contact de l’ACD
- le procédé d’utilisation ou de fabrication
- les mesures de protection collective ou individuelle mises en oeuvre
- la durée d’exposition
RAPPEL : Les seuils ainsi fixés servent également à calculer la proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité, afin de déterminer les entités soumises à l’obligation de négocier un accord collectif ou d’établir un plan d’actions en faveur de la prévention du dispositif pénibilité.
Pour mémoire, seules les entreprises privées, les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et les établissements publics administratifs (EPA) employant des personnels de droit privé, dont l’effectif est au minimum de 50 salariés sont potentiellement visées par cette obligation.
De même, une cotisation spécifique est due par les employeurs pour tout salarié exposé au-delà de ces seuils.
Critères d’évaluation de l’exposition des travailleurs aux facteurs de pénibilité
L’exposition de chaque travailleur doit être évaluée par l’employeur sur la base des conditions habituelles de travail caractérisant le poste occupé, appréciées en moyenne sur l’année. Pour ce faire, l’employeur peut s’appuyer :
- sur des données collectives, à travers notamment l’identification et l’évaluation de situations types d’exposition, sous réserve que ces données collectives soient bien consignées en annexe du Document unique ;
- sur des documents d’aide à l’évaluation des risques, notamment des référentiels de branche, dont la liste doit être fixée par arrêté ministériel.
Une nouveauté importante également concerne la prise en compte des mesures de protection collective ET individuelle dans l’appréciation du niveau d’exposition aux seuils de pénibilité.
En effet, jusqu’à maintenant, les entreprises avaient pour instruction de ne pas tenir compte des protections individuelles.
La prise en compte des protections individuelles peut notamment avoir une incidence pour l’évaluation des facteurs bruit et ACD.
Enfin, lorsque la durée minimale d’exposition est décomptée en nombre d’heures an, le dépassement du seuil est apprécié en cumulant les durées pendant lesquelles se déroulent chacune des actions ou pendant lesquelles chacune des actions sont constatées.
Fiches de prévention des expositions
Une fiche de prévention des expositions, listant les facteurs auxquels le salarié est exposé, doit être formalisée pour tout travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils fixés.
La nouveauté : cette fiche sert désormais de base à l’attribution des points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Ainsi, les données ainsi formalisées devront être par auprès de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) chargée de gérer ce compte. Cela devra être réalisé dans le cadre de la déclaration annuelle des données sociales (DADS).
En pratique, l’employeur doit établir la fiche de prévention des expositions et la transmettre au travailleur à la fin de chaque année, et au plus tard le 31 janvier de l’année suivante. Pour les travailleurs dont le contrat s’achève en cours d’année civile, la fiche doit être transmise au plus tard le dernier jour du mois suivant la fin de contrat.
Une copie de la fiche est également remise au travailleur en cas d’arrêt de travail :
- d’au moins 30 jours si l’arrêt fait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle
- d’au moins 3 mois dans les autres cas
Les fiches doivent, par ailleurs, être tenues à tout moment à la disposition du personnel concerné.
Enfin, l’employeur doit conserver les fiches pendant 5 ans après l’année concernée (Ex.: Une fiche établie sur 2015 doit être conservée jusqu’à fin 2020).
Évolution du dispositif pénibilité
Une instruction parue le 13 mars apporte des précisions sur les conditions de mise en œuvre de la démarche de prévention de la pénibilité pour l’année 2015.