Les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont les maladies professionnelles les plus répandues en France et dans les pays développés. Pour les prévenir, l’employeur doit évaluer les risques et mettre en place des actions appropriées.
TMS : quels enjeux en entreprise ?
Les TMS sont provoqués lorsque le corps est sollicité pour une action qui dépasse les capacités physiques d’une personne. Lorsque la récupération physique n’est pas suffisante et que la fatigue s’installe, on parle de déséquilibre musculo-squelettique. Cette condition peut engendrer un TMS.
Les TMS peuvent toucher les membres supérieurs et inférieurs du corps ainsi que leurs articulations, mais ce sont le plus souvent les membres supérieurs qui sont affectés (les mains, les poignets et les doigts dans 38% des cas). Parmi les TMS les plus fréquents, on peut citer :
- la tendinite (poignet, coude, épaule, genou, etc.) ;
- le syndrome du canal carpien (poignet) ;
- le syndrome de la coiffe des rotateurs (épaule) ;
- la lombalgie (douleurs dans le bas du dos).
Il est aujourd’hui prouvé qu’il existe un lien entre l’activité professionnelle et la survenue ou l’aggravation des TMS. Ainsi, de nombreux TMS sont inscrits au tableau des maladies professionnelles du Code de la sécurité sociale. Selon les chiffres de l’Assurance Maladie, en 2015, les TMS ont représenté plus de 87% des maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt de travail ou une réparation financière en raison de séquelles.
Les TMS soulèvent des enjeux majeurs pour l’entreprise. D’une part, il s’agit du bien-être des salariés dans leur activité professionnelle mais également dans leur vie privée et quotidienne. En effet, les TMS sont des maladies qui s’inscrivent dans la durée. D’autre part, les TMS peuvent provoquer une désorganisation dans l’entreprise par un absentéisme lié aux arrêts de travail voire un turn-over ce qui impacte directement la productivité de l’entreprise.
A noter que quasiment tous les secteurs d’activité sont concernés par le risque de TMS en entreprise, du secteur industriel aux activités “de bureau”.
Comment évaluer les risques de TMS en entreprise ?
La loi impose à l’employeur de préserver la santé physique et mentale de ses salariés.
En l’absence de partie spécifiquement dédiée aux TMS dans le Code du travail, il convient de se référer aux principes généraux de prévention des risques (article L.4121-2) :
- éviter les risques ou évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- comprendre et combattre les risques à la source en prenant en compte l’évolution des techniques et de la technologie ;
- favoriser les mesures de prévention collectives aux mesures de prévention individuelles ;
- adapter le travail aux salariés et leur donner des instructions claires ;
- prévenir les risques en considérant l’organisation du travail, les conditions de travail, l’aspect social, technique et relationnel.
Déterminer les postes à risques TMS
Dans un premier temps, l’employeur doit dresser un bilan général de la santé de son entreprise afin de mieux appréhender les risques liés à son activité. Cette action aura pour but de pouvoir cibler précisément les postes à risques TMS et de prioriser les actions.
Cette étape peut être réalisée à travers :
- des entretiens individuels avec les salariés ;
- la consultation des données de l’entreprise concernant la santé des salariés ;
- la consultation du comité social et économique (CSE) ;
- la consultation des informations liées au turn-over, à l’absentéisme, aux caractéristiques sociales et physiques des salariés selon leur poste, etc. ;
- la consultation de la médecine du travail.
L’objectif est de récolter un maximum d’informations sur la santé des salariés. Tous les acteurs potentiels à disposition de l’employeur peuvent être sollicités durant le processus d’évaluation des risques, que ce soient les représentants du personnel, les différents services de l’entreprise, le médecin du travail ou encore des intervenants externes telle que la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).
L’employeur peut également s’appuyer sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) qui répertorie tous les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs. Le DUERP est un outil essentiel pour l’évaluation des risques en entreprise et est obligatoire dans toutes les entreprises à partir d’un salarié. Il doit être mis à jour une fois par an dans les entreprises d’au moins 11 salariés (article L4121-3-1 & R. 4121-2 C. trav.).
Analyser les postes et situations de travail à risques TMS
La deuxième étape consiste à analyser en détail les situations et les postes de travail en fonction des facteurs de risques susceptibles de provoquer un TMS. Cette analyse passe par une observation des salariés dans l’exécution de leur travail afin de décrire précisément tous les facteurs de risque auxquels ils sont soumis durant leur travail et dans quelle mesure.
Les facteurs biomécaniques
L’analyse des facteurs biomécaniques portera principalement sur l’observation de la gestuelle et de la posture. Tout mouvement ou posture sollicitant le cou, les genoux, les épaules, les poignets, le dos ou autres parties du corps doit être noté et décrit. Si les mouvements ou postures sont répétitifs, prolongés, ou excessifs, il faudra alors mesurer le risque qu’ils représentent pour les salariés.
Les facteurs environnementaux :
Les facteurs environnementaux concernent le lieu du poste de travail. Tout élément forçant le salarié à effectuer des efforts supplémentaires pour compenser un manque de maniabilité, de pratique, ou de confort doit être noté.
Exemples : température, bruit, luminosité, exposition aux vibrations, etc.
Les facteurs organisationnels
L’organisation du travail est un élément essentiel pour la santé des salariés dans le sens où il permet ou non aux salariés de disposer d’un temps de récupération nécessaire. Un travail exécuté de façon prolongée peut ainsi constituer un poste à risque de TMS. Il est donc nécessaire de s’interroger sur les risques que peut présenter le temps d’affectation d’un salarié à une tâche.
Exemples : rythme de travail, temps de récupération trop court, horaires décalés, etc.
Les facteurs psychosociaux :
Les facteurs psychosociaux sont directement liés aux facteurs organisationnels et à la satisfaction des salariés dans leur travail. Il faudra donc aussi étudier la responsabilité et la pression psychologique que le poste exerce sur le salarié.
Exemples : monotonie des tâches effectuées, pression liée au travail, insécurité de l’emploi, etc.
Les facteurs individuels :
Enfin, les facteurs individuels doivent également être pris en compte, au regard de tous les autres facteurs précédents.
Exemples : genre, âge, condition physique, maladie chronique, expérience dans le poste, antécédents médicaux, etc.
Pour compléter l’analyse des risques, il convient de mesurer les dimensions du poste de travail et l’environnement physique afin de s’assurer que l’organisation spatiale ne favorise aucun des facteurs de risques énoncés.
Bon à savoir : des sociétés proposent de telles analyses à travers des études ergonomiques du poste de travail. Le coût de ces études peut être pris en charge par certains organismes comme la CARSAT ou la Mutualité Sociale Agricole (MSA) pour le secteur agricole.
Enfin, grâce aux données récoltées, l’employeur doit également déterminer si des salariés sont concernés par le dispositif de la pénibilité au travail en raison de leur exposition à certains facteurs de risques professionnels (postures pénibles, vibrations, etc.).
Quelles actions mettre en place en entreprise pour éviter ou prévenir les risques de TMS ?
Une fois l’analyse des risques établie, il s’agira de mettre en place des actions visant à maîtriser ces risques en améliorant les conditions de travail et les contraintes des salariés, tout en veillant à prioriser les actions en fonction des postes les plus à risques.
Les actions engagées auront pour but de répondre à l’analyse de risque en diminuant les sollicitations contraignantes des salariés observées dans celle-ci. On peut diviser ces actions en trois catégories : les actions techniques, les actions organisationnelles et les actions médicales.
Les actions techniques
Les actions techniques visent principalement à répondre aux facteurs de risques biomécaniques et environnementaux à travers :
- la mise en place d’équipements permettant d’améliorer la gestuelle, la posture, l’intensité des efforts ou la sollicitation articulaire. Exemples : équipements de protection individuelle, machines moins vibrantes, protège-genoux, plate-forme à roulettes et tout équipement facilitant le travail en question, etc.
- l’aménagement des postes de travail visant à rendre l’exécution du travail plus optimale. Exemples : amélioration de l’éclairage, poste de travail aux dimensions adéquates pour l’exécution des tâches ou la manipulation des machines, radiateur ou climatiseur, etc.
Les actions organisationnelles
Les actions organisationnelles peuvent être faciles et rapides à mettre en place et diminuer efficacement plusieurs facteurs de risques à la fois. Elles permettent également d’impacter positivement la perception du travail par les salariés.
Il peut s’agir :
- d’aménager le rythme et la durée de travail afin de limiter la prolongation dans le temps des facteurs de risque ;
- d’organiser l’espace de travail différemment par la création d’accès limitant les déplacements ;
- de mettre en place une circulation pour éviter les risques de heurts ;
- d’organiser des pauses ;
- de mettre en place une rotation des tâches pour éviter la répétition de gestes ou les postures contraignantes.
Les actions médicales
Le médecin du travail doit être associé au suivi médical des salariés concernés afin de détecter le plus tôt possible les premiers symptômes de TMS. Si nécessaire, des actions d’aménagement du poste de travail peuvent être proposées.
Les formations
L’information et la formation font également partie des éléments essentiels à disposition de l’employeur pour éviter ou prévenir les risques de TMS. Rappelons que ces actions sont également obligatoires au titre de l’article L4121-1 du Code du travail.
Cela peut prendre plusieurs formes
- la formation des salariés aux risques professionnels par un formateur externe ou interne ;
- la formation des nouveaux embauchés par les salariés expérimentés ;
- l’information sous forme d’affichages dans l’entreprise sur la prévention du risque TMS ;
- le rappel des “bonnes pratiques” à proximité des différents postes de travail (exemple : importance des échauffements avant la prise de poste).
Les réglementations spécifiques
Par ailleurs, une réglementation spécifique vise la prévention des TMS pour les activités suivantes : la manutention des charges, le travail sur écran et l’exposition aux vibrations.
La réglementation liée à la manutention de charges
Lorsque la manutention manuelle de charges ne peut être évitée, une réglementation bien précise s’applique pour maîtriser les risques de TMS, qui seront principalement dorso-lombaires.
L’employeur doit ainsi mettre à disposition des aides mécaniques ou des accessoires de préhension pour rendre la tâche des salariés plus sûre et moins pénible.
Exemples : chariot-élévateur, “diables”, pinces de préhension, etc.
Par ailleurs, l’employeur doit tenir compte des caractéristiques individuelles des salariés en fonction de la charge à manutentionner et de l’effort physique requis. Les charges supérieures à 55 kilogrammes ne peuvent être portées de façon habituelle sauf si le salarié a été reconnu apte par le médecin du travail. Dans ce cas, elles ne peuvent dépasser 105 kilogrammes. Il est également interdit de faire porter aux femmes des charges supérieures à 25 kilogrammes ou de transporter des charges supérieures à 40 kilogrammes à l’aide d’une brouette, brouette comprise.
Enfin, l’employeur doit également fournir une formation aux salariés dont l’activité comporte de la manutention manuelle. Elle doit permettre d’informer le salarié sur les gestes et postures à adopter dans le cadre de la manutention manuelle.
La réglementation liée au travail sur écran
Cette réglementation s’applique à toute activité utilisant de façon habituelle et prolongée des écrans.
L’employeur doit veiller à fournir un matériel adapté et fonctionnel de façon que le salarié puisse adapter ses gestes et sa posture.
Exemples : chaise de bureau adaptable, écran de qualité, clavier fonctionnel et inclinable.
Il doit également fournir une bonne ambiance physique de travail dans les locaux de l’entreprise (ambiance thermique, éclairage, ambiance sonore). Enfin, les salariés doivent pouvoir bénéficier de pauses ou de changement d’activité (articles R4542-1 à R4542-19 C. trav.).
La réglementation liée aux travaux exposant aux vibrations mécaniques
Les vibrations mécaniques sont un facteur de risque de TMS ainsi qu’un facteur de pénibilité. Lorsque l’exposition aux vibrations mécaniques ne peut être évitée et que celle-ci dépasse les valeurs autorisées (article R. 4443-1 et R4443-2 C. trav.), l’employeur doit réduire le risque par :
- la limitation de la durée et de l’intensité de l’exposition ;
- le choix d’équipements de travail et d’équipements auxiliaires adaptés (exemples : siège atténuant, poignée atténuante, etc.) ;
- l’information et la formation des salariés (articles R4441-1 à R4447-1 C. trav.).
Article rédigé par Clara GODIN