Nous vous avons présenté ce début de mois un retour sur les principales dispositions issues de la loi de transition énergétique. Dispositions susceptibles de concerner directement ou indirectement les entreprises. Nous évoquions la publication des décrets relatifs à la stratégie nationale bas carbone et à la programmation pluriannuelle de l’énergie, la construction et la rénovation de bâtiments, le déplacement des salariés, enfin, l’économie circulaire et les déchets.
Dans ce nouvel article, nous vous proposons un bilan sur les nouvelles mesures concernant :
- 1. Les mécanismes économiques de maîtrise de l’énergie dans la transition énergétique,
- 2. La production d’électricité à partir de sources renouvelables,
- 3. Le reporting des émissions de gaz à effet de serre (GES)
1.Mécanismes économiques de maîtrise de l’énergie dans la transition énergétique
Consommateurs électro-intensifs et gazo-intensifs – décrets n° 2016-141 du 11 février 2016 et n° 2016-1518 du 9 novembre 2016
Des critères d’éligibilité aux statuts de consommateur électro-intensif et de consommateur gazo-intensif ont été fixés. Ainsi que les modalités permettant aux entreprises concernées de bénéficier d’une réduction des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et distribution d’électricité et de gaz. Les critères d’éligibilité reposent sur :
- le rapport entre la consommation annuelle de gaz ou d’électricité et la valeur ajoutée produite par l’entreprise ou par le site,
- le degré d’exposition de l’entreprise ou du site à la concurrence internationale,
- la quantité d’électricité ou de gaz consommée par l’entreprise.
Dispositifs d’équilibrage de la consommation d’électricité– décret n° 2016-1132 du 19 août 2016 et l’arrêté du 22 décembre 2015
De nouveaux mécanismes d’équilibrage entre l’offre et la demande d’électricité destinés à assurer la continuité d’alimentation électrique sont définis.
1. Effacement de consommation d’électricité
L’« effacement » consiste à réduire ou interrompre temporairement la consommation électrique de certains consommateurs volontaires, afin de pouvoir gérer les déséquilibres ponctuels entre l’offre et la demande d’électricité. En pratique, les entreprises peuvent contractualiser avec des opérateurs d’effacement, lesquels se chargent notamment :
- d’identifier les potentiels de diminution de consommation en période de pointe ou d’aléa sur le réseau
- de rétribuer financièrement les effacements réalisés
L’effacement peut également être intégré à certaines offres de fourniture d’électricité.
2. Interruptibilité
Le dispositif d’interruptibilité permet au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) d’effacer, en quelques secondes, la consommation de gros sites industriels disposant de sources d’alimentation de secours. En échange de leur participation à la réduction du risque de défaillance du système électrique, les sites concernés bénéficient d’une compensation financière pouvant aller jusqu’à 70 000 € par mégawatt de puissance interruptible.
L’arrêté du 22 décembre 2015 détaille :
- les modalités techniques du dispositif d’interruptibilité
- les conditions d’agrément par RTE des sites à profil d’interruption instantanée
- les conditions dans lesquelles RTE compense les consommateurs finals agréés
Certificats d’économie d’énergie (CEE)- décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015
Pour rappel, le dispositif des CEE concerne en premier lieu les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, GPL, chaleur et froid, fioul domestique et carburants pour automobiles), soumis à des obligations d’économies d’énergie sur des périodes pluriannuelles.
Pour se libérer de leurs obligations, les fournisseurs d’énergie doivent réaliser des opérations d’économies d’énergie auprès des consommateurs. En contrepartie, des certificats d’économies d’énergie leur sont attribués.
Les entreprises consommatrices ont ainsi la possibilité de passer des partenariats avec les fournisseurs d’énergie pour mener des actions d’économies d’énergie valorisables sous la forme de CEE. Le processus d’obtention des CEE sur la période 2015-2017, notamment les catégories d’opérations éligibles au CEE, est défini. Les opérations standardisées d’économie d’énergie pouvant être réalisées sur des sites industriels sont toujours concernées (Ex. : système de récupération de chaleur sur un groupe de production de froid, compresseur d’air basse pression à vis ou centrifuge).
2. Production d’électricité à partir de sources renouvelables
Plusieurs dispositions relatives à la production d’électricité à partir de sources renouvelables constituent de nouvelles opportunités pour les entreprises qui se lancent dans une telle démarche.
Autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité à partir de sources renouvelables – décret n° 2016-687 du 27 mai 2016
Les seuils permettant aux installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’être réputées autorisées au titre du Code de l’énergie sans avoir à réaliser de démarche sont relevés :
- Photovoltaïque, Biomasse animale ou végétale, Biogaz, Géothermie : autorisation sans démarche pour les installations de puissance < ou = à 50 MW contre 12 MW auparavant.
- Eolien : autorisation sans démarche pour les installations de puissance < ou = à 50 MW contre 30 MW auparavant.
Pour les installations dont les puissances dépassent ces seuils, le décret simplifie également le contenu du dossier de demande d’autorisation et les démarches administratives à réaliser.
Obligation d’achat et complément de rémunération – décret n° 2016-682 du 27 mai 2016
Les conditions dans lesquelles des installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables peuvent bénéficier du nouveau dispositif de complément de rémunération et continuer à bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat sont précisées. Le complément de rémunération est un mécanisme alternatif à l’obligation d’achat créé par la LTE. Il consiste à vendre directement sur le marché l’électricité produite à partir de sources renouvelables, en contrepartie du versement d’une prime de la part d’EDF.
Le dispositif d’obligation d’achat préexistant à la LTE, permet quant à lui aux installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables de vendre l’électricité produite à EDF suivant des conditions tarifaires réglementées. Plusieurs nouveautés sont introduites :
- certaines installations peuvent bénéficier une seconde fois d’un contrat d’obligation d’achat. Une réserve, réaliser un programme d’investissement sur cette installation
- les principales installations pouvant bénéficier du dispositif du complément de rémunération sont fixées :
Énergie utilisée ou installations concernées | Puissance installée |
énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement | < ou = à 1 MW |
énergie extraite de gîtes géothermiques | Pas de seuil |
cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel | < ou = à 1 MW |
parcs éoliens à terre | Pas de seuil |
- la procédure permettant de bénéficier du complément de rémunération, ainsi que son articulation avec l’obligation d’achat, sont définies.
3. Reporting des émissions de gaz à effet de serre (GES)
Reporting extra-financier – décret n° 2016-1138 du 19 août 2016
Les « postes significatifs d’émissions de gaz à effet de serre générés du fait l’activité de la société, notamment par l’usage des biens et services qu’elle produit » sont intégrés aux informations devant figurer dans le rapport extra-financier de toutes les entreprises concernées (cotées/ non cotées en bourse).
L’inscription de données concernant les émissions de gaz à effet de serre indirectement produites en amont et en aval des activités (Scope 3) devient, en principe, obligatoire dès l’exercice clos au 31 décembre 2016.
Bilan des émissions de GES – ordonnance n° 2015-1737 du 24 décembre 2015, du décret n° 2015-1738 du 24 décembre 2015, et de l’arrêté du 25 janvier 2016
Les modifications apportées sont les suivantes :
- la périodicité de mise à jour des bilans d’émission de gaz à effet de serre passe de 3 à 4 ans. Objectif : s’aligner sur la périodicité des audits énergétiques réglementaires
- l’absence de réalisation du bilan est passible d’une peine d’amende de 1 500 €
- les bilans doivent être publiés sur une plate-forme informatique administrée par l’ADEME
- les groupes d’entreprises ont désormais la possibilité d’établir un bilan GES consolidé pour l’ensemble de leurs entreprises. Celles-ci devant le même code de nomenclature des activités françaises (NAF) de niveau 2.
Au final, il subsiste une trentaine de mesures de la Loi de Transition Énergétique pour lesquelles les décrets d’application ne sont pas encore parus. Parmi ceux-ci, le projet de décret relatif aux obligations de travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire est peut-être le plus attendu.
Pour rappel, en application de l’article L. 111-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, les bâtiments existants à usage tertiaire doivent faire l’objet de travaux d’amélioration de leur performance énergétique d’ici le 1er janvier 2020, puis tous les 10 ans jusqu’en 2050. Le niveau de performance à atteindre sera renforcé chaque décennie, afin d’aboutir en 2050 à une réduction des consommations d’énergie finale d’au moins 60% par rapport à 2010, sur l’ensemble du parc tertiaire concerné. Le décret annoncé doit fixer les modalités d’application de cette obligation à l’échéance 2020.
Dernière échéance importante en préparation, la réglementation thermique (RT) 2018, qui visera le développement des constructions à énergie positive et bas carbone. Afin de se préparer au mieux à cette nouvelle réglementation, le label “énergie-carbone” est déjà lancé depuis septembre 2016.
La transition énergétique en conclusion
Si la transition énergétique constitue nécessairement une démarche au long cours, s’inscrivant sur plusieurs décennies, l’adoption de plus de 80% des décrets d’application de la loi moins de seize mois après sa publication représente déjà une première étape importante. Cependant, malgré cet important travail réglementaire, des incertitudes persistent quant à l’atteinte des objectifs ambitieux de la loi de transition énergétique. En cause notamment, une première PPE publiée en partie incohérente avec ces objectifs et des mesures d’application immédiate aux effets encore limités.