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Établissements Seveso : vers un durcissement des règles d’exploitation

Face à l’accident qui s’est produit le 26 septembre 2019 à Rouen au sein de l’établissement de l’entreprise Lubrizol, classé Seveso seuil haut, le ministère de la Transition Écologique et Solidaire annonçait au mois de février dernier un plan d’actions destiné à mieux prévenir les accidents susceptibles de se produire sur les sites industriels. Un projet visant à durcir la règlementation en matière de prévention des risques industriels a ainsi vu le jour dès le mois d’avril dernier. En consultation publique depuis le mois de juin dernier, ce projet concerne au premier plan les établissements Seveso, et tout particulièrement ceux classés au titre de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sous une ou plusieurs rubriques consacrées aux entrepôts. L’enjeu majeur de ce projet est d’empêcher les incendies de s’y manifester.

L’adoption définitive prochaine de ce projet est l’occasion de revenir sur ce que recouvre l’appellation « établissement Seveso ».

établissements seveso

©[dimitry anikin atyawsn] via Unsplash

 

L’origine des établissements Seveso

Seveso est le nom d’une commune située en Italie. En 1976, un accident industriel d’une certaine ampleur, dû à la surchauffe d’un réacteur fabriquant un composé chimique, s’y produisit : les conséquences humaines et environnementales, liées à un rejet de dioxine, furent importantes.

Sans être nullement le premier accident de ce type à se produire sur le vieux continent, c’est lui qui eut de grandes répercussions dans la règlementation européenne. Il a en effet incité les Etats européens à se doter d’une politique commune en matière de prévention des risques industriels.

La directive 82/501/CEE du 24 juin 1982 est adoptée par le Conseil des Communautés européennes et publiée au journal officiel des Communautés européennes (ex-Union européenne) le 5 août 1982. Remaniée à plusieurs reprises, cette directive est considérée comme la « directive Seveso 1 ». La « directive Seveso 2 » est à son tour adoptée en 1996 puis est remplacée le 4 juillet 2012 par la « directive Seveso 3 » (directive 2012/18/UE).

Comme l’impose le droit européen, les directives européennes ont vocation à être transposées dans le droit interne de chacun des Etats membres de l’Union européenne. La tâche est donc revenue à tous ces Etats membres d’élaborer respectivement une règlementation nationale conforme aux objectifs et buts fixés par les directives Seveso qui se sont succédé.

Concrètement, on parle d’établissements Seveso quand il s’agit des établissements industriels relevant à la fois du champ d’application de la directive Seveso des règlementations nationales des Etats membres à travers lesquelles cette directive se décline.

Remarque : en droit français l’exploitation d’un établissement Seveso est nécessairement soumise à la délivrance préalable d’une autorisation environnementale.

 

Critères de classement des établissements Seveso

L’annexe I de la directive Seveso 3 identifie sous forme de tableaux un certain nombre de substances dangereuses auxquelles des seuils sont associés. Si ces substances sont présentes (et pas seulement mises en œuvre / utilisées) au sein d’un établissement sous des quantités excédant ces seuils, l’établissement peut être considéré comme un établissement Seveso, « seuil haut » ou « seuil bas ».

Ces seuils sont qualifiés selon les quantités sous lesquelles se retrouvent les substances dangereuses. Si, prises individuellement, les substances dangereuses ne sont pas présentes au sein d’un établissement en quantité supérieure ou égale aux quantités seuils qui leur sont associées, une formule de calcul dite « règle du cumul » doit être appliquée pour déterminer si l’établissement doit être considéré comme Seveso seuil bas ou seuil haut.

La même logique se retrouve en droit français. L’introduction des rubriques 4XXX au sein de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) par le décret n° 2014-285 du 3 mars 2014 traduisait la volonté du gouvernement d’alors de rester le plus fidèle possible à la directive Seveso 3. Assez naturellement, la structure de la quatrième partie de la nomenclature ICPE consacrée aux rubriques 4XXX est calquée sur celle de l’annexe I de la directive Seveso 3. Les rubriques 4XXX se distinguent en huit séries :

  • 41XX => substances toxiques
  • 42XX => substances explosibles
  • 43XX => substances inflammables
  • 44XX => autoréactifs, peroxydes organiques, pyrophoriques et comburants
  • 45XX => dangereux pour l’environnement
  • 46XX => autres dangers Seveso
  • 47XX et 48XX => substances nommément désignées.

 

Architecture de la règlementation nationale relatives aux établissements Seveso

Les dispositions nationales consacrées aux établissements Seveso s’agencent à travers les textes suivants :

– loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ayant complété le chapitre V du titre Ier du livre V du code de l’environnement par une section 9 consacrée aux établissements Seveso (l’intitulé de la section étant « Installations classées pour la protection de l’environnement susceptibles de créer des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses »). Quelques articles législatifs ont été intégrés à cette nouvelle section par cette loi.

– décret n° 2014-284 du 3 mars 2014. C’est surtout ce décret qui donne corps à cette section du code de l’environnement, introduisant un certain nombre d’articles règlementaires imposant le respect de règles strictes aux exploitants d’établissements Seveso.

– arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier du livre V du code de l’environnement.

D’autres dispositions éparses spécifiques aux établissements Seveso se retrouvent ailleurs, notamment dans le code de l’environnement. Pour autant, la très grande majorité des prescriptions spécifiquement consacrées aux établissements Seveso se trouve dans les textes indiqués ci-dessus.

Il faut souligner que la règlementation Seveso s’imbrique au sein d’une règlementation plus générale qui constitue le droit de l’environnement industriel. Les établissements Seveso doivent donc se conformer aux obligations qui leur sont applicables au titre de cette règlementation.

 

Conclusion

La règlementation associée aux établissements Seveso est bien particulière et en constante mutation. Les enjeux de cette règlementation sont très importants en termes de santé et sécurité publiques et de protection de l’environnement.

Faut-il se réjouir de ces évolutions règlementaires à venir ? Peut-être. Un constat fâcheux s’impose néanmoins : c’est la survenance d’une catastrophe industrielle qui est ici à la source d’une évolution des règles liées à la prévention des risques générés par l’exploitation d’établissements Seveso.

Le problème majeur ne résiderait-il cependant pas dans le fait que le droit de l’environnement industriel est insuffisamment sanctionné ? Des contrôles sont bien évidemment opérés par l’Administration, à travers l’inspection des installations classées, mais la quantité d’établissements à contrôler est importante et il est en pratique impossible de s’assurer que les établissements Seveso s’acquittent de la totalité des obligations qui leur sont applicables (et pas seulement celles visant spécifiquement les établissements Seveso … le non-respect de dispositions règlementaires plus générales peut également être générateur d’accidents importants dans les établissements Seveso).