Près de 25 ans après la publication de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 visant à favoriser la prévention des risques professionnels et transposant la directive européenne 89/391/CEE, où en sont les entreprises en terme d’évaluation des risques professionnels ?
L’évaluation des risques est-elle devenue le pilier et le point de départ des démarches de prévention comme la commission européenne le souhaitait ?
Comment les nouveaux risques sont-ils pris en compte dans nos entreprises en perpétuelle évolution ?
Ci-dessous un rapide rappel du contexte et des enjeux liés à l’évaluation des risques professionnels. Puis, nous apporterons des éléments de réponse à ces 3 questions.
En France, la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 (article L. 4121-3 du Code du travail) a notamment imposé à chaque employeur de réaliser une évaluation des risques professionnels auxquels sont soumis ses salariés. Cette obligation s’est concrétisée en 2001 avec le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 (article R. 4121-1 du Code du travail) qui a rendu obligatoire la transposition des résultats de l’évaluation des risques dans un Document Unique (DU).
Depuis, chaque établissement, quels que soient son secteur d’activité et sa taille (effectif) doit évaluer ses risques et élaborer un Document Unique. Il doit notamment l’actualiser lors d’aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, à minima, le mettre à jour tous les ans.
Les entreprises de moins de 11 salariés peuvent sous certaines conditions déroger à cette obligation de mise à jour annuelle.
Exemple : matrice d’évaluation
Le législateur ne fixe pas de méthode pour réaliser l’évaluation des risques professionnels. Généralement, ces démarches d’évaluations s’articulent autour de 3 phases :
- Mise en place d’un groupe de travail et identification des unités de travail
- Recensement des dangers et analyse des risques
- Évaluation des risques professionnels
État des lieux
Force est de constater que la situation est bien différente en France entre les entreprises du secteur public et du secteur privé. Selon une étude récente du Ministère du Travail, 93% des entreprises du secteur privé de plus de 250 salariés a réalisé un Document Unique. Ce chiffre tombe à 75% dans la fonction publique hospitalière et à 33% dans les collectivités territoriales.
Concernant les PME-PMI, une étude mandatée par l’INRS et dont les conclusions ont été rendues publiques en 2015, indiquait que 90% des PME-PMI de plus de 10 salariés avaient entrepris l’élaboration d’un Document Unique, contre 46% pour les TPE (moins de 10 salariés). Plus inquiétant encore, pour plus d’un tiers des PME-PMI, aucune mise à jour récente de leur DU, c’est-à-dire de moins d’un an, n’avait été réalisée.
La deuxième enquête européenne des entreprises sur les risques nouveaux et émergents (2014-2015) nous apprend que 76% des entreprises des 28 pays de l’Union Européenne a réalisé une évaluation des risques professionnels.
Ces statistiques sont à prendre avec précaution. Elles ne font remonter qu’une indication quantitative et non qualitative des évaluations des risques professionnels menées. En effet, parmi les principaux problèmes des évaluations des risques formalisées aujourd’hui, on observe pour un nombre significatif d’entreprises :
- Un recensement incomplet des risques
- Une hiérarchisation peu pertinente et subjective
- Un découpage en unité de travail non représentatif
- Une mise à jour partielle, notamment après un accident
- Une évaluation insuffisante des risques susceptibles de générer des TMS
L’évaluation des risques n’est pas une finalité. Elle doit constituer le point de départ d’une véritable démarche de prévention. Cela commence par cette question « est-il possible de supprimer ce risque ? » en cas de réponse négative, il convient de mettre en place des actions techniques, organisationnelles, d’agir sur les comportements …. pour prévenir le risque.
Et là encore la situation est contrastée. Un quart des entreprises environ déclare ne pas avoir élaboré de plan d’actions suite à leurs évaluations des risques. Néanmoins, il est à noter que toutes ces études (Ministère du Travail, INRS, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail) mettent en évidence une amélioration constante depuis plusieurs années, même pour les PME. Augmentation régulière du pourcentage d’entreprises élaborant et tenant à jour une évaluation des risques professionnels et mettant en place des démarches de prévention.
Évaluation des risques professionnels et démarches de prévention
Il existe parfois une confusion entre les termes danger, exposition, risque et dommage. Malgré cela, les entreprises françaises, et notamment les plus de 50 salariés ont véritablement intégré l’évaluation des risques dans leur démarche de prévention.
En effet, ce travail qui peut paraître long et fastidieux permet au final d’avoir une photographie claire et objective des risques auxquels les salariés sont confrontés.
Il est important que cette évaluation soit menée par une équipe pluridisciplinaire. L’objectif : identifier de manière exhaustive les dangers, d’analyser les risques avec pertinence et de les hiérarchiser convenablement. Les normes ILO-OSH 2001 / OHSAS 18001 (bientôt ISO 45001) placent l’évaluation des risques professionnels au cœur des systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail. Ainsi, ces référentiels invitent les entreprises à s’appuyer sur les résultats de l’évaluation des risques. Cela permet d’élaborer la Politique Sécurité, définir les objectifs et construire les plans d’actions. |
POUR RAPPEL :
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Après avoir imposé une obligation générale de sécurité à chaque entreprise, le code du travail dans son article L.4121-2 positionne l’évaluation des risques au cœur du dispositif de prévention.
Article L.4121-2
L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L.4121-1* sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
- 1- Éviter les risques ;
- 2- Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- 3- Combattre les risques à la source ;
- …
* Art L.4121-1: L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Le code du travail prévoit également pour certains risques (risques chimiques, risques biologiques, vibrations mécaniques …) des évaluations dédiées et spécifiques, avec pour certains risques des valeurs de référence.
Les principales actions de prévention engagées à l’issue de l’évaluation des risques professionnels sont les suivantes :
- Modification des postes de travail (aménagement)
- Révision de l’organisation du travail et des durées d’exposition (développement de la polyvalence)
- Amélioration du suivi médical
- Mise en place de moyens de protection collectifs et individuels
- Révision ou définition des rôles et responsabilités et élaboration de « fiches de poste »
- Réalisation de formations
- Audits « terrain »
- Mise en place d’indicateurs de performance
Et demain
Les entreprises sont confrontées à des enjeux humains, sociaux, financiers importants. Le nombre de reconnaissance de maladies professionnelles augmente. Dans ce cadre elles doivent notamment prévenir les risques pour leurs salariés.
Un départ en retraite de plus en tardif, un rythme de travail parfois très soutenu et des parcours professionnels variés. Voici des facteurs importants à prendre en compte dans le domaine de la prévention.
De nouveaux risques sont apparus ou en tout cas, ils ont commencé à être véritablement pris en compte ces dernières années et parmi ceux-ci, les risques psychosociaux (RPS). Ils constituent aujourd’hui un véritable challenge pour les entreprises. Comment les évaluer de manière objective ? Comment les prévenir ? et d’une manière plus générale comment construire un modèle au sein de l’entreprise permettant de favoriser un bien-être au travail ?
Aujourd’hui, l’évaluation de ces nouveaux risques est nécessaire. Par contre, il convient d’adapter la méthodologie pour évaluer notamment les RPS ou les facteurs susceptibles d’être à l’origine de RPS (exemple : les critères de cotation classiques : gravité, fréquence d’exposition … ne sont pas pertinents dans ce cas).
Par des démarches pragmatiques d’évaluation, on peut raisonnablement penser que les autres risques mal ou peu connus actuellement (risques liés aux champs électromagnétiques, risques liés aux nanotechnologies, aux biotechnologies ….) pourront être évalués plus finement. Ils pourront ainsi faire l’objet de mesures de prévention adaptées, une fois les données/études scientifiques, médicales plus avancées.
Rappel : en attendant, il convient si nécessaire de les prendre en compte avec les données en votre possession.
Enfin chaque entreprise doit maintenir une dynamique dans le temps. Elle doit allouer des ressources pour actualiser son évaluation des risques professionnels et ainsi s’appuyer sur ces résultats pour construire une démarche de prévention performante et pérenne.