Au terme d’une procédure législative de près d’un an, la promulgation de la loi de transition énergétique pour la croissance verte a été finalement émise au cœur de l’été. L’atteinte des objectifs ambitieux portés par ce texte concernant la réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) de notre pays reposera en grande partie sur les mesures qui seront inscrites dans les nouveaux outils de gouvernance prévus par la loi, au premier rang desquels la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Pour autant, plusieurs dispositions concrètes figurent déjà parmi les 215 articles suite à la promulgation de la loi de transition énergique. Présentation des principales d’entre elles susceptibles de concerner les entreprises.
Dispositions concrètes susceptibles de concerner les entreprises
Projets de construction et de rénovation de bâtiments
Sans évoquer ici toutes les dispositions susceptibles d’intéresser le secteur du bâtiment – mesures destinées notamment à accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier national ou encore à favoriser la construction de bâtiments publics à énergie positive et à haute performance environnementale – plusieurs nouveautés figurant dans la loi peuvent directement impacter les futurs projets immobiliers des entreprises. En particulier :
- L’obligation de prévoir des bornes de recharge pour véhicules électriques et un espace réservé pour le stationnement sécurisé des vélos, en cas de construction ou de rénovation d’un parking destiné aux salariés est confortée et clarifiée (Art. 41). Applicable depuis 2012 aux bâtiments à usage tertiaire, ce dispositif sera revu et étendu aux bâtiments à usage industriel, ainsi qu’aux ensembles commerciaux, à compter du 1er janvier 2017. Un nouveau décret d’application devrait repréciser les parkings concernés en fonction de leur type (fermé/ouvert) et de leur capacité, ainsi que le nombre minimal de places à équiper de bornes de recharge.
- L’attestation de prise en compte de la réglementation thermique, à joindre obligatoirement à la déclaration d’achèvement de travaux adressée en mairie au terme de la construction de bâtiments de bureaux, pourra être établie par tout organisme certifiant la performance énergétique de bâtiments ayant signé une convention avec l’Etat. Cette formalité sera ainsi simplifiée pour les maîtres d’ouvrage optant pour la construction de bâtiments certifiés présentant des performances énergétiques au-delà des exigences de la réglementation thermique (Art. 15)
- Le plan local d’urbanisme (PLU) pourra dans certains secteurs définis (zones à urbaniser notamment), imposer une production minimale d’énergie renouvelable, en fonction des caractéristiques du projet de construction et de la consommation d’énergie des sites concernés (Art. 8)
- Il sera dorénavant possible d’obtenir une dérogation aux prescriptions fixées par le règlement d’urbanisme concernant l’implantation, la hauteur et l’aspect extérieur des constructions, en vue de la mise en œuvre de certaines solutions d’isolation en façade ou en toiture de bâtiments (Art. 7)
Approvisionnements en énergie
La loi de transition énergétique prévoit d’accorder des conditions particulières d’approvisionnement en électricité pour les entreprises fortement consommatrices, appelées « consommateurs électro-intensifs » (Art. 156). Ces conditions particulières, et les catégories d’entreprises bénéficiaires seront définies par décret, selon les critères suivants :
- degré d’exposition à la concurrence internationale
- volume annuel de consommation d’électricité
- rapport entre la quantité d’électricité consommée et la valeur ajouté produite
- procédés industriels mis en œuvre
En contrepartie, les entreprises bénéficiaires devront mettre en œuvre un système de management de l’énergie certifié suivant la norme ISO 50 001 et atteindre des objectifs de performance énergétique restant à définir. Pour mémoire, un dispositif comparable a déjà été mis en place pour les consommateurs gazo-intensifs, lesquels appartiennent logiquement aux mêmes secteurs que les consommateurs électro-intensifs : sidérurgies, industries chimiques, verrières et papetières notamment.
Les consommateurs électro et gazo-intensifs bénéficieront, en plus, d’une réduction de leurs tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité et de gaz [1], au motif que leur consommation stable et prévisible tout au long de l’année permet d’absorber les fluctuations de la demande (Art. 157 et 159). Le pourcentage de réduction, ainsi que les critères permettant d’en bénéficier seront fixés par décret.
Déplacements des salariés
La loi de transition énergétique prévoit plusieurs mesures dans ce domaine qui méritent d’être soulignées :
- A compter du 1er janvier 2018, toute entreprise rassemblant au moins 100 salariés sur un même site implanté dans une agglomération de plus de 100 000 habitants et faisant l’objet d’un plan de déplacements urbains (PDU), sera tenue d’élaborer un plan de mobilité, afin d’optimiser l’efficacité des déplacements de son personnel, d’encourager l’utilisation des transports en commun et le recours au covoiturage. Transmis à la collectivité organisatrice des transports, ce plan devra évaluer l’offre de transport existante et à venir, analyser les déplacements professionnels et domicile-travail du personnel, et définir un programme d’actions associé à un plan de financement et à un calendrier de mise en œuvre (Art. 51)
- Plus globalement, la promulgation de la loi de transition énergétique exige désormais de toute entreprise d’au moins 250 salariés qu’elle facilite « autant que possible » les solutions de covoiturage pour les déplacements domicile-travail de son personnel (Art. 52)
- Chaque employeur devra également prendre en charge tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant à vélo entre leur domicile et leur lieu de travail habituel, sous la forme d’une « indemnité kilométrique vélo » dont le montant sera fixé par décret. Exonérée pour partie de cotisations sociales, cette indemnité pourra être cumulée avec le remboursement des abonnements souscrits par les salariés pour l’utilisation de transports publics ou de services publics de location de vélos (Art. 50)
- Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés pourront enfin bénéficier d’une réduction d’impôts égale aux frais générés par la mise à disposition gratuite de leurs salariés d’une flotte de vélos pour leurs déplacements domicile – travail, dans la limite de 25% du prix d’achat des vélos (Art. 39).
Reporting RSE et bilan GES
Toute entreprise assujettie à l’obligation de reporting extra-financier en application de l’article L. 225-102-1 du Code de commerce devra présenter dans son rapport de gestion ou document de référence la manière dont elle prend en compte « les conséquences sur le changement climatique de son activité et de l’usage des biens et services qu’elle produit ».
Pour les sociétés cotées en bourse, le président du conseil d’administration devra, de plus, rendre compte « des risques financiers liés aux effets du changement climatique et des mesures que prend l’entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans toutes les composantes de son activité » (Art. 173).
Par ailleurs, une procédure de sanction pour absence de réalisation du bilan des émissions de GES (bilan obligatoire dans les entreprises de plus de 500 salariés) pourrait être instituée par ordonnance. Une modification de la périodicité de ce bilan (tous les 3 ans aujourd’hui) pourrait également être décidée dans le cadre de cette ordonnance (Art. 167).
Quel avenir pour la taxe carbone ?
Intégrée à la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) fossiles utilisés comme carburants ou combustibles, la taxe carbone verra son montant augmenter progressivement pour atteindre 56 € la tonne de CO2 émis en 2020, puis 100 € en 2030 (Art. 1). Pour rappel, le montant de la taxe carbone s’élève à 14,50 €/t de CO2 en 2015
Gestion des déchets
Le titre IV lors de la promulgation de la loi de transition énergétique est consacré à lutte contre les gaspillages et à la promotion de l’économie circulaire. Il comprend plusieurs dispositions concernant la gestion des déchets intéressant directement les entreprises, parmi lesquelles :
- L’abandon du projet de décret devant définir des mesures nationales spécifiques pour la caractérisation, l’emballage et l’étiquetage des déchets : D’une part, la mise en place d’une procédure systématique de caractérisation des déchets par leurs producteurs est apparue trop contraignante [2] et excessive au regard des exigences du droit européen. D’autre part, les déchets dangereux font déjà l’objet de règles d’emballage et d’étiquetage dans le cadre de la réglementation ADR, désormais considérées comme suffisantes (Art. 82)
- La mise en place, à compter du 1er janvier 2017, d’un dispositif de reprise des matériaux, produits et équipements de construction utilisés par les professionnels du bâtiment. Concrètement, les distributeurs devront mettre à disposition de leurs clients professionnels des points de collecte sur leurs sites de vente ou à proximité (Art. 93)
- L’obligation expresse pour toute personne utilisant des déchets pour remblayer ou exhausser un terrain à des fins d’aménagement ou de réhabilitation, d’être en mesure de justifier du caractère inerte des déchets concernés et de leur utilisation dans un but de valorisation et non d’élimination (
Promulgation de la loi de transition énergétique : de nouvelles mesures en perspective
La mise en œuvre des objectifs fixés par la promulgation de la loi de transition énergétique découlera, pour une grande part, de nouveaux documents stratégiques de moyen et long terme, dont l’élaboration est déjà en cours au sein du ministère de l’Écologie.
En premier lieu, une Stratégie nationale bas carbone (SNBC) adoptée par décret définira les grandes lignes des politiques transversales et sectorielles à mener pour d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES d’ici 2030 (moins 40% par rapport aux émissions de 1990) et 2050 (moins 75% par rapport aux émissions de 1990 [3]).
Les orientations et instructions inscrites dans la SNBC devront permettre de respecter des plafonds nationaux d’émissions fixés à l’échelle nationale et par secteurs d’activités (Transport, Industrie, Résidentiel-tertiaire, Agriculture…) pour la période 2015-2018, puis par période de 5 ans, appelés « budgets carbone » (Art. 173).
Les budgets carbone des périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028 et la SNBC devront être publiées au plus tard le 15 octobre 2015. Les budgets carbone des périodes suivantes et l’actualisation simultanée de la SNBC seront publiés au moins 10 ans avant le début de chaque période (Ex. : 2018 pour la période 2029-2033).
En second lieu, une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), également fixée par décret, déterminera dorénavant les priorités d’actions et mesures mises en œuvre pour notamment :
- sécuriser les approvisionnements en énergie et réduire les coûts
- améliorer l’efficacité énergétique et diminuer la consommation d’énergie primaire
- développer l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération et diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité
- favoriser la production locale et l’autoproduction d’énergie, ou encore le développement des réseaux intelligents.
Établie en cohérence avec la SNBC, la PPE formalisera la politique énergétique française, dont elle sera le document de référence. Elle remplacera les anciens outils de planification en matière d’énergie, en les fusionnant et en les complétant [4].
Chaque PPE couvrira deux périodes successives de 5 ans, sauf la première PPE qui couvrira les périodes 2016-2018 et 2019-2023. Même si les travaux pour l’élaboration de cette première PPE ont démarré dès mars 2015, celle-ci ne devrait toutefois pas être adoptée avant la fin de l’année, comme cela était prévu initialement.
En définitive, SNBC et PPE permettront d’assurer la mise en œuvre concrète et progressive voulue par la loi de transition énergétique. Elles en constitueront la feuille de route et conditionneront ainsi les futurs efforts demandés aux entreprises au titre de cet enjeu majeur.
Le plan de relance met à jour ces informations en faveur de la décarbonation de l’industrie.
[1] Ces tarifs d’acheminement sont fixés réglementairement et constituent l’une des composantes des prix du gaz et de l’électricité. Ils permettent de rémunérer les gestionnaires des réseaux de transport (RTE, GRT Gaz & TIGF) et de distribution (ErDF, GrDF et les entreprises locales de distribution)
[2] Le projet de décret prévoyait notamment la mise en place d’une fiche d’identification des déchets dangereux, établie sous la responsabilité des producteurs de déchets et comportant les données de caractérisation nécessaire aux prestataires de traitement (code nomenclature, propriétés de dangers, procédé générateur du déchet…)
[3] Objectif intitulé « Facteur 4 » puisqu’il consiste à diviser par 4 les émissions de GES entre 1990 et 2050
[4] Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) pour l’électricité et la chaleur, Plan indicatif pluriannuel (PIP) pour le gaz, Plans nationaux d’action Energies Renouvelables (PNA EnR) et efficacité énergétique (PNA EE)