HSE Réglementaire
Réglementation HSE

Programme de surveillance des émissions dans l’eau : le bâtir et le mettre en œuvre de manière efficace

Zoom sur un sujet encore plus d’actualité avec les épisodes de sécheresse que nous connaissons aujourd’hui.

Un programme de surveillance des émissions dans l’eau permet le suivi des macropolluants (ensemble de substances comprenant les matières en suspension, les matières organiques et les nutriments, comme l’azote et le phosphore) et des substances dangereuses ou micropolluant (substance ou groupe de substances qui sont toxiques, persistantes et bioaccumulables et autres substances ou groupe de substances qui sont considérées, à un degré équivalent, comme sujettes à caution).

La construction et la mise en œuvre du programme de surveillance des émissions dans l’eau nécessitent la prise en compte de diverses obligations réglementaires dont la nature dépend de la situation administrative du site, de l’origine des émissions (eaux usées ou eaux pluviales), des caractéristiques de ses émissions dans l’eau, des modalités de traitement et de rejet mis en place, de son implantation géographique et des conditions locales de l’environnement.

 

RSDE : Programme de surveillance des émissions dans l’eau
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Obligations issues de la règlementation ICPE

Cette règlementation s’articule autour des arrêtés ministériels régissant les installations du site (IED soumises à autorisation, enregistrement ou déclaration) et le cas échéant de son arrêté préfectoral (AP).

Ces obligations ont été profondément modifiées par l’arrêté RSDE du 24 août 2017 avec une entrée en vigueur des nouvelles modalités de surveillance des substances dangereuses le 1er janvier 2018.

Les règles à observer pour être en conformité avec ses obligations et détaillées dans deux guides du ministère de l’Environnement parus en 2018 sont notamment les suivantes :

  • La surveillance des substances dangereuses comprend généralement les substances spécifiques du secteur d’activité, les autres paramètres globaux et les autres substances dangereuses entrant dans la qualification de l’état des masses d’eau y compris les autres polluants spécifiques de l’état écologique à l’origine d’un impact local (cf. pour ces derniers le tableau 44 de l’annexe 3 de l’arrêté du 25 janvier 2010 pour connaître les NQE applicables). Pour les activités autorisées et visées par l’article 33 de l’arrêté du 2 février 1998 (chimie, production ou transformation de métaux…), les VLE des substances caractéristiques des activités industrielles fixées à l’article 32-3 sont remplacées par celles figurant dans la section spécifique dédiée au secteur d’activité. Les rejets des substances qui ne sont pas citées à l’article 33 doivent être règlementées comme dans le cas général, en fonction des VLE fixées à l’article 32-3
  • Si une VLE est également prescrite par un AP, les niveaux de rejets ne doivent pas dépasser la plus contraignante des deux
  • Lorsqu’un site mène plusieurs activités visées par plusieurs arrêtés ministériels avec des VLE différentes, c’est la VLE la plus restrictive qui doit être appliquée en sortie du site
  • Un arrêté ministériel peut imposer la mise en œuvre du contrôle en sortie d’installation et non pas en sortie de site comme par exemple l’arrêté du 14 décembre 2013 applicable aux installations soumises à enregistrement au titre de la rubrique 2921, l’arrêté du 3 août 2018 applicable aux installations enregistrées sous la rubrique 2910…
  • Lorsque l’exploitant sous-traite son programme de surveillance, il doit s’assurer de l’atteinte des limites de quantification (LQ, valeur au-dessous de laquelle il est difficile de quantifier une substance avec une incertitude acceptable) des couples « paramètre-matrice » inférieures ou égales à 30% des VLE applicables. Si le respect des 30% de la valeur limite d’émission conduit à une LQ à atteindre inférieure à la LQ réglementaire (avis du 19 septembre 2019), la LQ réglementaire reste la référence. Ce critère permet de déclarer le rejet conforme/non conforme en prenant en compte l’incertitude de mesure
  • Faire appel à un laboratoire de prélèvement accrédité dans le cadre de la sous-traitance du programme de surveillance et la réalisation des contrôles (initial de calage, externe de recalage, inopiné) et à un laboratoire d’analyse agréé lors des contrôles et à un laboratoire accrédité dans le cadre de la sous-traitance du programme de surveillance. Un allègement règlementaire entre en vigueur au 1er juillet 2023 puisque le contrôle de recalage annuel portant uniquement sur l’analyse devient un contrôle de recalage à fréquence bisannuelle et subordonné à l’existence d’au moins une mesure annuelle dans le programme de surveillance. Ce contrôle de recalage n’est pas ailleurs plus obligatoire si la surveillance des émissions de l’exploitant est déjà réalisée par un laboratoire agréé (prélèvement et analyse)
  • Dans le cadre d’un rejet ponctuel ou discontinu le recours à un prélèvement ponctuel directement dans la bâchée ou le bassin n’est pas approprié. L’échantillonnage doit être réalisé soit de façon automatique proportionnel au temps de fonctionnement de la pompe de vidange ou d’ouverture de la vanne de rejet soit de façon ponctuelle si la sortie ne permet pas d’installer un échantillonneur automatique ou si le temps de vidange est de courte durée (30 minutes à 3 heures). Dans tous les cas, si le temps de vidange est supérieur à 1 heure, le nombre de prises d’échantillon doit être au minimum de cinq prises d’échantillon par heure
  • Un échantillonneur utilisé pour la surveillance des macropolluants n’est pas adapté pour le suivi des substances dangereuses qui requiert un tuyau d’aspiration en téflon et un flacon collecteur en verre
  • Pour les polluants ne faisant l’objet d’aucune méthode de référence dans l’avis du 22 février 2022, la procédure retenue, pour le prélèvement notamment, permet une représentation statistique de l’évolution du paramètre
  • Une attention particulière doit être apportée lors de l’appréciation de la conformité du rejet. Ainsi, sauf disposition contraire, dans le cas d’une autosurveillance permanente (au moins une mesure représentative par jour) et d’un prélèvement sur 24 heures, le site est conforme si 90 % des valeurs mensuelles sont inférieures à la VLE et qu’aucune des valeurs n’est supérieure au double de la VLE. Si par ailleurs des prélèvements instantanés sont réalisés aucun résultat de mesure ne dépasse le double de la VLE. Dans le cas d’une autosurveillance non permanente, des prélèvements 24 heures sont déclarés conformes lorsque 100 % des résultats sont inférieures aux VLE
  • Dans le cas où le rejet s’effectue dans le même milieu que le milieu de prélèvement, la conformité du rejet par rapport aux valeurs limites d’émissions pourra être évaluée en considérant la concentration nette qui résulte de l’activité de l’installation industrielle. Milieu de prélèvement et milieu de rejet sont considérés comme étant différents notamment lorsqu’un site prélève dans une nappe d’eau souterraine et rejette dans une eau de surface ou lorsqu’un site prélève dans le réseau de la ville et rejette dans la rivière.

 

Obligations issues de la règlementation relative à la détermination du montant de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique perçue par les agences de l’eau

En la matière, un site est assujetti à la mise en place d’un suivi régulier des rejets (SRR) dès que pour l’un au moins des éléments constitutifs de la pollution, le niveau théorique de pollution atteint ou dépasse la valeur mentionnée à l’article R.213-48-6 du code de l’environnement : 600 t/an en MES ou DCO, 300 t/an en DBO5, 40 t/an en NGL, 10 t/an en Pt, 10 000 kEquitox/an en Matières inhibitrices, 10 000 kg/an en Métox, 2 000 kg/an en Composés halogénés adsorbables sur charbon actif, 100 000 m3*S/cm/an de sels dissous ou 360 kg/an en SDE (Substances dangereuses dans l’eau).

Dans le cadre d’un SRR, le programme de surveillance prévoit la constitution d’un échantillon 24 heures pour l’analyse journalière d’un élément constitutif de la pollution, représentatif de l’activité de l’établissement. Pour les autres éléments constitutifs de la pollution ne faisant pas l’objet d’une analyse journalière et dont le niveau théorique de pollution est supérieur aux seuils d’assujettissement du SRR, le programme de surveillance est fixé par un arrêté ministériel.

Pour les éléments constitutifs de la pollution dont le niveau théorique de pollution est < au seuil d’assujettissement au SRR, l’établissement réalise une analyse d’un échantillon moyen journalier chaque mois, à l’exception de l’analyse de la toxicité aiguë réalisée chaque trimestre et de l’analyse des SDE une fois/an.

Les SDE, composés de seize substances (cf. article R. 213-48-3 du code de l’environnement) peuvent bénéficier d’aménagements particuliers s’il est démontré à l’appui de résultats de mesures représentatives de l’activité polluante de l’établissement, que les concentrations analytiques d’une ou plusieurs substances composant le paramètre sont inférieures à la LQ. Cette ou ces substances, en accord avec l’Agence de l’Eau, sont exclues du SRR durant cinq ans. A l’issue de cette période, une détermination de l’ensemble des substances composant l’élément constitutif de pollution SDE est réalisée pour ajuster, si nécessaire, le programme de surveillance.

Le SRR doit être agréé par l’agence de l’eau. Un diagnostic de fonctionnement du SRR est effectué au moins une fois tous les deux ans, par un organisme habilité.

Pour un site non soumis à SRR, la redevance pour pollution de l’eau est établie à partir d’une campagne de mesures réalisée sur les rejets par un organisme agréé par l’office de l’eau avant mise en œuvre d’un dispositif de dépollution.

 

Obligations issues de la règlementation relative à l’autorisation de raccordement

Tout déversement d’eaux usées autres que domestiques dans le réseau public de collecte doit préalablement faire l’objet d’une autorisation par le maire ou l’organisme en charge de l’assainissement (ex : communauté de commune ou une entreprise privée en cas de gestion déléguée), celle-ci fixant les caractéristiques que doivent présenter les eaux usées pour être déversées et le programme de surveillance. Les résultats du programme de surveillance sont transmis au maître d’ouvrage du système d’assainissement indépendamment de l’obligation de transmission à l’inspection. Grâce à l’application GIDAF, la collectivité a la possibilité, via des codes d’accès lecteur transmis par l’exploitant de récupérer la déclaration mensuelle de l’ICPE.

La maîtrise du programme de surveillance des émissions dans l’eau, intégrant l’ensemble des obligations réglementaires présentées dans cet article, doit permettre à tout exploitant d’installation d’envisager sereinement les futurs enjeux dans le domaine de l’eau tels :

  • La nécessité de recourir à la réutilisation des eaux usées traitées
  • Pour les substances dangereuses prioritaires visées par la Directive 2013/39/UE (Dioxines et composés de dioxines dont certains PCDD, PCDF et PCB-TD, PFOS, HBCDD, Heptachlore et époxydes d’heptachlore, Dicofol, Quinoxifène, Trifluraline, DEHP), le respect des VLE au 1er janvier 2023 et leur suppression* en 2033
  • Pour les substances prioritaires visées par la Directive 2013/39/UE (Dichlorvos, Terbutryne, Aclonifène, Bifénox, Cybutryne et Cyperméthrine), le respect des VLE au 1er janvier 2023 et leur réduction progressive en 2033
  • La suppression en 2028 des substances dangereuses prioritaires anthracène et endosulfan

*pour un site la suppression des substances doit être comprise comme une réduction maximale à un coût acceptable lorsque la solution de réduction est techniquement possible à mettre en place en fonction des caractéristiques locales (implantation, géographique, place…).

NOTA :  pour les autres substances prioritaires (trichlorométhane, nickel et composés, plomb et composés, dichlorométhane, octylphénols…) / substances dangereuses prioritaires (nonylphénols mercure et composés, cadmium et composés…), leur réduction/ suppression doit être effective depuis 2021, au regard de l’arrêté du 8 juillet 2010.

 

Article rédigé par Monique Argaud